Le carton d’invitation doublement signé par le chef de la diplomatie allemande, Heiko Mass, et le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres n’a pas convaincu Nasser Bourita de prendre part à la visioconférence qui a eu lieu, ce lundi 5 octobre, en marge de la 75e assemblée générale de l’ONU.
Plutôt que de se faire représenter par son ministre des Affaires étrangères, le royaume chérifien s’est limité à autoriser un ambassadeur à y prendre part. L’information a été confirmée à Sputnik par le département de Nasser Bourita.
«Le Maroc était présent cette fois-ci, ce qui n’était pas le cas lors de la première réunion qui a eu lieu en janvier. C’est pour montrer que le royaume est solidaire du processus onusien tout en mettant en avant le fait qu’il y a des processus alternatifs qui montrent leur efficacité, comme celui de Bouznika», souligne Emmanuel Dupuy, spécialiste des questions de sécurité européenne et de relations internationales et président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).
C’est en effet à la station balnéaire de Bouznika, située à quelques kilomètres au sud de Rabat, que se poursuit actuellement le dialogue interlibyen. C’est la deuxième phase du processus, après celle qui a eu lieu en septembre grâce à la médiation marocaine entre les deux camps rivaux libyens –celui du Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez el-Sarraj, reconnu par l’ONU, à l’ouest de la Libye, et celui de la Chambre des représentants qui appuie le maréchal Khalifa Haftar à l’est du pays.
S’exprimant lundi 5 octobre au cours des pourparlers entre les représentants du Parlement de Tobrouk et le Haut Conseil d’État basé à Tripoli, Nasser Bourita présente indirectement la principale raison de son absence de la visioconférence à laquelle il était invitée:
«Œuvrant sous l’égide des Nations unies, le Maroc préfère soutenir les dialogues interlibyens plutôt que ceux autour de la Libye, les premiers étant fondamentaux et les seconds complémentaires.»
«C’est une façon pour le royaume de montrer que le processus libyen ne pourrait pas avancer sans l’inclusion des acteurs régionaux. Les Européens donnent l’impression que les voisins de la Libye et des pays engagés comme le Maroc sont invités comme la dernière roue du carrosse, une sorte de palliatif, voire un justificatif pour tenter de légitimer la conférence sur la crise libyenne», explique Emmanuel Dupuy.
«Le Maroc peut légitimement s’étonner de la concomitance de la visioconférence inscrite dans le processus de Berlin avec le deuxième round des négociations de Bouznika», estime le spécialiste des questions de sécurité européenne et des relations internationales. Et Emmanuel Dupuy d’ajouter:
«Il est utile de rappeler que la visioconférence a seulement réuni les grands bailleurs internationaux, sans les parties en conflit elles-mêmes. Elle avait surtout pour objectif d’essayer de débloquer la nomination du successeur de Ghassan Salamé, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Libye.»
Là encore, la position marocaine est assez conforme à la réalité qui voudrait que les pays africains refusent catégoriquement le choix proposé par les États-Unis et par l’Union européenne de nommer un représentant qui ne soit pas du continent africain. «C’est une position défendue fermement non seulement par le royaume, mais par l’ensemble des pays africains. Tous s'opposent à la nomination du Bulgare Nickolay Mladenov, actuel émissaire de l'ONU pour le Proche-Orient», poursuit l’analyste
Comme pour répondre à l'invite, l’émissaire par intérim de l’ONU en Libye, Stéphanie Williams, a affirmé lors d’une conférence de presse ayant suivi la visioconférence inscrite dans le processus de Berlin à laquelle elle venait de participer que le dialogue interlibyen de Bouznika contribuerait à la relance globale du processus politique libyen. Le Maroc est donc le réel gagnant de la conférence virtuelle qu’il avait presque boudée.