L’improbable retour de Marion Maréchal en politique: serait-elle «tétanisée par sa tante»?

Alors que Marion Maréchal effectue une rentrée médiatique remarquée, trois ans après sa mise en retrait de la vie politique, le journaliste de Marianne Louis Hausalter lui consacre une biographie. Un livre qui apporte des détails sur sa vie sans pouvoir répondre à la question de sa candidature.
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«Il n’y a plus tellement d’hommes ou de femmes politiques. Du moins, il n’y a plus beaucoup de politiques qui fassent référence. Des personnalités incontournables, auxquelles tout le monde pourrait s’identifier ou s’opposer», constate dans son introduction Louis Hausalter, journaliste politique à Marianne et auteur de Marion Maréchal: Le fantasme de la droite (Éd. du Rocher). Or, la jeune retraitée de la vie politique et électorale (depuis mai 2017) fait justement «exception» à ce constat. Suffisant pour consacrer près de 300 pages à la jeune femme de 30 ans?

Informée par le journaliste de Marianne de ce projet de biographie, celle-ci lui répond, perplexe: «Mon parcours est bien mince pour en écrire un livre selon moi, mais à vous de voir». Ainsi la biographie ne contient-elle pas de révélations fracassantes. Elle restitue plutôt, avec minutie et fidélité, sans parti pris aucun, le parcours de «Marion», comme l’appellent affectueusement les partisans de la petite-fille Le Pen.

Marion, un «talent exceptionnel», selon Jean-Marie Le Pen

L’histoire de celle qui s’appelait Marion Maréchal-Le Pen jusqu’en 2018, avant de retirer «Le Pen» de son patronyme –au grand dam de son grand-père –, est évidemment indissociable d’une saga politique et familiale. Celle des Le Pen a déjà dépassé le demi-siècle.

Jean-Marie Le Pen espèrerait une candidature de Marion Maréchal, mais quand?
Dans le deuxième tome de ses Mémoires (Tribun du peuple, Éd. Muller, 2019), le fondateur du Front national ne tarit pas d’éloges sur celle qu’il tient pour une «femme brillante» dotée d’un «talent au-dessus du lot». Pour autant, Marion Maréchal ne se considérerait pas comme «proche» d’un grand-père souvent absent, entièrement dévoué à son combat politique. Le paradoxe d’une famille Le Pen dont les membres «cohabitent sans nécessairement se voir», fait remarquer Louis Hausalter.

«Marion» a ainsi vécu une grande partie de son enfance au deuxième étage de la propriété de Montretout, un étage au-dessus des bureaux du patriarche, mais «ne garde pas beaucoup de souvenirs» de son grand-père à cette période:

«La vie ne nous a pas rendus proches. On le sait, il se consacrait entièrement à sa cause et ne s’intéressait pas beaucoup aux enfants. J’ai passé très peu de Noël avec lui. […] Il y a eu beaucoup de constructions médiatiques: je serais en guerre avec Marine et j’aurais passé mon enfance sur les genoux de mon grand-père, mais c’est complètement faux», confie Marion Maréchal à Louis Hausalter.

Toujours dans le deuxième tome de ses Mémoires, Jean-Marie Le Pen confirme d’ailleurs que cette filiation politique n’est pas aussi évidente qu’on voudrait le croire: «Il m’apparaît clair comme le jour que je n’ai jamais eu d’intimité politique avec mes filles ni avec ma petite-fille», tranche le «Menhir».

C’est pourtant lui qui contribuera à lancer la carrière politique de Marion Maréchal, en la persuadant de se présenter à Carpentras pour les élections législatives de 2012. «C’est ton devoir!», lui avait-il intimé, en dépit des réticences de sa petite-fille, sceptique à l’idée de s’engager pleinement dans la vie politique et électorale. Celle qui sera finalement élue avec 42% des voix devant les candidats UMP et PS, devenant à 22 ans la plus jeune députée de l’histoire de la République française, ne cessera pourtant de le répéter à ses proches: «Mon grand-père m’a obligée. Je n’ai pas eu le choix.»

Un retour en politique? «Elle n’en a pas envie»

La question lancinante qui sert de fil rouge au livre n’est guère surprenante: Marion Maréchal reviendra-t-elle sur la scène politique? Des plus fidèles admirateurs et conseillers de Marion Maréchal jusqu’à ses détracteurs les plus farouches ou ses opposants politiques les plus méfiants, c’est la question que tout le monde se pose. Elle s’en défend farouchement, mettant en avant son combat «métapolitique». Pourtant, sa récente tournée des plateaux, officiellement pour promouvoir le think tank qu’elle lance avec l’ISSEP, l’école de sciences politiques qu’elle a cofondée à Lyon, laisse planer le doute sur ses intentions. Marion Maréchal ne peut ainsi s’empêcher d’adresser quelques piques à Marine Le Pen et au Rassemblement national, et ne laisse pas d’appeler à une union des droites, condition indispensable à une possible victoire à la Présidentielle, selon elle.

Marion Maréchal évoque «une nouvelle forme de racisme» et dénonce «une relecture très binaire de l’Histoire»
Au fil de la lecture cependant, il semble impossible de clarifier avec certitude les ambitions de la benjamine du clan Le Pen. Pour une raison toute simple: l’intéressée elle-même ne les détermine probablement pas. Peut-être même qu’elle n’en a pas, du moins pas pour briguer l’Élysée un jour. Plusieurs de ses proches, interrogés par Louis Hausalter, se montrent dubitatifs. Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, proche de Marion Maréchal depuis une dizaine d’années, ne voit pas son amie embrasser un destin présidentiel: «Elle ne réussira jamais rien. Elle n’en a pas envie, en fait.»

Même son de cloche chez Jacques de Guillebon, le directeur du mensuel L’Incorrect, proche lui aussi de l’ancienne députée:

«Présidente, elle voit ça comme une charge trop lourde. Elle sait que si les gens l’apprécient, c’est aussi parce qu’elle est en retrait, et que ce ne sera pas la même chose si elle revient. Elle ne trouverait pas plus mal que quelqu’un d’autre y aille», assure Jacques de Guillebon

Si certains proches s’activent en coulisse et préparent un possible «atterrissage» politique dans l’optique d’un retour, rien ne laisse supposer que celui-ci aura bien lieu un jour. Exemple concret cité dans le livre: Erik Tegnér, soutien affiché de Marion Maréchal exclu de LR fin 2019, prônait activement –avant de se retirer de la vie politique en août 2020– une union des droites, avec à sa tête l’ancienne députée du Vaucluse.

Un désir concrétisé par la création du mouvement «Racines d’avenir», désormais dirigé par Eddy Casterman, qui se définit sur sa page Facebook comme un «collectif politique indépendant de la jeunesse entrepreneuriale, conservatrice et identitaire, qui aspire au dépassement des clivages partisans et souhaite un dialogue entre toutes les droites». À cette initiative «marioniste» pourrait-on aussi ajouter le «Cercle Audace» de François de Voyer, qui a récemment organisé un débat entre le philosophe Michel Onfray et Charlotte d’Ornellas, journaliste à Valeurs actuelles, auquel Marion Maréchal n’a pas manqué d’assister.

Une relation «infiniment complexe» avec Marine Le Pen

Pourtant, quand les choses se font plus pressantes quant à son retour, l’intéressée répond sans ambiguïté: «Faites vos trucs si vous voulez. Je ne veux juste pas y être associée.»

Car au-delà de la question des ambitions personnelles et politiques de Marion Maréchal, un autre paramètre est à prendre en compte: la figure omniprésente de sa tante, Marine Le Pen. La présidente du Rassemblement national s’est d’ores et déjà déclarée pour 2022, coupant court à une possible candidature de sa nièce, qui n’est de toute façon plus membre du parti. Il y a d’ailleurs fort à parier que Marion Maréchal ne revienne pas dans l’arène politique tant que sa tante sera en position de briguer l’Élysée.

Cité dans le livre, son ami Geoffroy Lejeune va jusqu’à diagnostiquer la crainte que Marine inspirerait à sa nièce:

«Elle est tétanisée par sa tante. Elle ne s’en sortira pas, de ça», avance le directeur de Valeurs actuelles

Jusqu’ici, Marion Maréchal a toutefois laissé transparaître une pudeur rare pour son clan. Échaudée par les conflits familiaux ayant marqué son enfance, elle confiait sur BFMTV, le 14 janvier 2019: «Je ne rentrerai jamais dans le jeu d’un conflit avec Marine Le Pen. Je le dis d’autant plus sereinement que moi, j’ai vu la politique atomiser ma famille à toutes les générations. Je n’aurai aucune envie de vivre cela et d’imposer cela dans le débat français, je trouverais ça assez pathétique.»

Mais, quelle que soit la cause intime des atermoiements de Marion Maréchal, il y a toutes les raisons de croire que son éventuelle candidature devienne, à son tour et au plus grand désarroi de la droite conservatrice et identitaire, un serpent de mer dans la vie politique française.

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