Mesures sanitaires: au Québec, les lieux de culte victimes d’une «politique anti-religion»?

Au Québec, les mesures pour contrer le Covid-19 génèrent une insatisfaction grandissante parmi les communautés religieuses, à commencer par l’Église catholique. Selon Simon Lessard, rédacteur au magazine «Le Verbe», il est anormal que les salles de spectacle et de cinéma soient soumises à des règles moins strictes que les lieux de culte. Entrevue.
Sputnik

Comme dans de nombreux pays, au Québec, la pandémie de Covid-19 n’affecte pas seulement les entreprises et les commerçants, mais également les communautés religieuses.

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Le 20 septembre dernier, le ministre québécois de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a annoncé une série de mesures qui assimilent les lieux de culte aux bars, ce qui suscite l’indignation des communautés religieuses. Regroupant des leaders chrétiens, juifs et musulmans, la Table interreligieuse de concertation pour la réouverture des lieux de culte souhaiterait plutôt que ceux-ci soient considérés comme des salles de spectacle et de cinéma, ce qui leur permettrait d’accueillir de cinq à dix fois plus de fidèles, soit un maximum de 250 personnes. Depuis le 22 juin dernier, les différentes congrégations avaient pu reprendre la plupart de leurs activités.

Les lieux de cultes assimilés à des bars: les communautés religieuses en colère

Pour Simon Lessard, le gouvernement Legault fait preuve d’un grave manque de considération envers les croyants de tous horizons. Personnalité engagée, M. Lessard est animateur de radio et rédacteur au magazine Le Verbe, principale publication catholique au Québec.

«Ces nouvelles mesures ne me surprennent pas du tout, car le gouvernement agit exactement de la même façon que lors de la première vague. Lors de la première vague, les lieux de culte avaient été mis dans la même catégorie que les bateaux de croisière. […] Mais ce qui me choque le plus, c’est le refus de dialoguer du gouvernement Legault», souligne Simon Lessard au micro de Sputnik.

Notre interlocuteur considère que le gouvernement a fait «comme si les religions n’existaient pas» depuis le début de la crise, alors que les leaders religieux auraient tout fait pour entrer en contact avec lui. Le 17 juin, si un journaliste n’avait pas abordé la question durant le point de presse officiel, les croyants du Québec n’auraient peut-être même pas encore appris la réouverture des lieux de cultes, estime Simon Lessard.

«Les leaders religieux n’ont pas ménagé les efforts pour tenter d’entreprendre un dialogue franc et ouvert avec les autorités gouvernementales, dans un esprit de collaboration. Les lettres qui n’ont pas même reçu d’accusé de réception, les appels téléphoniques et les courriels laissés sans réponse ne se comptent plus», peut-on lire dans le dernier communiqué de presse de la Table interreligieuse de concertation.

Selon des observateurs, les effets psychologiques de la pandémie se font de plus en plus ressentir, alors qu’une récession économique frappe le Canada dans son ensemble.

Crise économique, besoins spirituels?

Dans ce contexte, Simon Lessard estime qu’il serait primordial de permettre aux croyants d’avoir accès plus aisément à leurs espaces spirituels. Un point de vue qu’était pourtant censé partager le Docteur Horacio Arruda, principal responsable de la gestion de la pandémie dans la Belle Province:

«Je pense que c’est important que les communautés religieuses et les gens qui ont des pratiques religieuses puissent être respectés au même titre que toutes sortes d’autres types d’activités dans notre société», avait déclaré M. Arruda le 17 juin dernier, qui assure depuis que le Québec est officiellement entré dans la «deuxième vague».

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Longtemps considérée comme une contrée très pieuse, le Québec a vu fondre son taux de pratique chez les catholiques à 2 ou 3%, alors qu’il était autour de 80% au début des années 1960. Selon Simon Lessard, cette réalité explique en partie le désintéressement de la classe politique vis-à-vis de la question religieuse. Précisons que les quatre partis politiques représentés à l’Assemblée nationale du Québec appuient tous l’essentiel des mesures du gouvernement de centre droit.

«Je trouve qu’il y a des incohérences de la part de la droite comme de la gauche. La gauche se prétend à l’écoute des nouveaux arrivants, mais ne prend pas en considération les besoins spirituels de ces communautés, qui sont très croyantes […] La droite nationaliste, elle, ferme les yeux sur une grande partie de l’histoire et de l’identité du Québec, qui a été façonné par l’Église catholique», déplore-t-il.

Simon Lessard ne s’explique pas que les édifices religieux soient soumis à des règles plus strictes que certains types d’établissements publics. Le gouvernement Legault semble avoir adopté une «politique anti-religion», déplore le rédacteur au Magazine Le Verbe:

«Il y a une incompréhension de la part du gouvernement face à l’importance de la vie spirituelle dans la vie humaine. Arrêter la tenue de funérailles, comme on l’a vu, est terrible. […] Est-ce qu’on en est rendu à considérer des établissements comme la Société québécoise du cannabis comme plus essentiels que les lieux de culte? Il me semble que ça en dit long sur notre vide spirituel», conclut-il.
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