Sur les 44 déclarations de candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre reçues de la Commission électorale indépendante (CEI, la structure chargée d’organiser les élections), le Conseil constitutionnel en a finalement validé seulement quatre.
Laurent Gbagbo et Guillaume Soro recalés
La grande majorité des 40 candidatures écartées par le Conseil constitutionnel l’a été pour nombre insuffisant de parrainages.
C'est le cas de l’ancien président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly qui n’a recueilli, selon l’institution, des parrainages que dans 15 régions sur les 17 requises, de l’ex-ministre des Affaires étrangères Marcel Amon-Tanoh (13 sur 17) ou encore de l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur Albert Mabri Toikeusse (6 sur 17).
Cependant, pour ce qui concerne Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, le rejet de leur candidature, justifiée essentiellement par leur radiation en août 2020 des listes électorales, intervient sans véritable surprise.
Pour ce qui est du second, actuellement en exil en France, elle est consécutive à sa peine d’emprisonnement de 20 ans écopée pour recel de deniers publics détournés et blanchiment de capitaux. Tous deux ont été jugés et condamnés par contumace par la justice ivoirienne.
En lice pour un troisième mandat controversé
Les requêtes de l’opposition auprès du Conseil constitutionnel pour invalider la candidature d’Alassane Ouattara au motif que celle-ci viole la Constitution (l’opposition estimant que la loi fondamentale limite à deux le nombre de mandats) n’ayant pas abouti, le Président sortant pourra espérer rempiler pour un troisième mandat.
Pour le parti au pouvoir, la nuance est toutefois de rigueur: il ne s’agirait en réalité, en cas d’élection, pas d’un troisième mandat pour Alassane Ouattara mais plutôt du «premier mandat de la troisième République», qui a débuté avec l’adoption de la nouvelle Constitution en 2016.
Dans une déclaration diffusée sur les réseaux sociaux, Guillaume Soro –qui a été l’un des grands artisans de l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara et un soutien indéfectible de sa réélection en 2015– a contesté la «décision injuste, infondée, inique, politiquement motivée, juridiquement boiteuse prise par le Conseil constitutionnel et qui s'inscrit dans une logique d'anéantissement de la démocratie et l'État de droit».
«Nous ne pouvons accepter ce coup d’État acté par le Conseil constitutionnel. Dans ces circonstances, j'annonce que nous engagerons une étape nouvelle de notre combat pour la démocratie dans notre pays. Elle sera âpre mais nous la gagnerons sans aucun doute», a promis l’ancien chef de la rébellion armée de 2002, actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par la justice ivoirienne contre lui en décembre 2019 pour «insurrection civile et militaire».
Il n’est cependant pas le seul recalé à considérer le verdict du Conseil constitutionnel comme un «putsch». C’est également le cas de Mamadou Koulibaly qui estime que l’institution s’est«immolée par le droit pour Ouattara».
Du côté des candidats retenus, les réactions hostiles à la candidature d’Alassane Ouattara ne se sont pas fait attendre non plus. Pour Pascal Affi Nguessan, «le Conseil constitutionnel a raté une occasion historique de marquer son indépendance en acceptant la candidature du Président sortant, manifestement inéligible, et en refusant celles de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro, privés de leurs droits civiques pour de purs motifs d’opportunité politique».
Quant à Henri Konan Bédié, il dénonce, lui aussi, «la validation de la candidature inconstitutionnelle» d’Alassane Ouattara ainsi que «l'exclusion arbitraire et antidémocratique de leaders politiques majeurs» et appelle l’opposition à «demeurer en ordre de marche pour l'alternance démocratique en vue de la construction d’une Côte d’Ivoire réconciliée, unie et prospère».
Vers une résurgence des violences?
En août dernier, des manifestations contre la «candidature anticonstitutionnelle» du Président Alassane Ouattara ainsi que des affrontements communautaires subséquents ont fait une dizaine de morts et près de 200 blessés.
«Les grands rassemblements tels que ceux qu'on a pu observer de 2002 à 2011 en Côte d’Ivoire ne sont a priori pas possibles aujourd’hui, mais il ne faut pas sous-estimer les risques de voir éclater de nouvelles violences à l’occasion de prochaines manifestations. Le pays demeure sur une mauvaise pente», a-t-il déclaré.
En 2010, plus de 3.000 personnes avaient péri lors des violences qui avaient éclaté après que le Président sortant, Laurent Gbagbo, reconnu vainqueur par le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara, reconnu également comme tel par la Commission électorale indépendante, avaient chacun revendiqué la victoire à la présidentielle.
Mais pour 2020, nombreux sont les observateurs qui estiment que cette fois, la Côte d’Ivoire pourrait connaître une crise pré-électorale aux conséquences tout aussi dommageables.