Dans son livre Churchill (Paris, Fayard, octobre 1999), l’historien François Bédarida cite le Président américain Franklin Delano Roosvelt qui décrivait le caractère du Premier ministre britannique ainsi: «Winston a 100 idées par jour, dont trois ou quatre [seulement, ndlr] sont bonnes».
En effet, dans une note découverte par le Pr Richard Toye, chef du département d’histoire à la l‘université d’Exeter, Winston Churchill suggère dans le cadre de la guerre froide «de pilonner l’URSS avec des frappes nucléaires préventives pour les soumettre à la domination occidentale».
Le document provient des archives du News York Times dont le général Adler était devenu le directeur général après la seconde Guerre Mondiale tout en gardant le statut de militaire de réserve.
Cibler 20 à 30 villes
La discussion a eu lieu fin avril 1951 au domicile de Churchill dans le Kent, quelques mois avant le retour de ce dernier aux affaires en tant que Premier ministre, poste qu’il occupera jusqu’en 1955.
Et de poursuivre que Churchill «nous a ensuite surpris une deuxième fois en déclarant que s'il était Premier ministre et pouvait obtenir l'accord de notre gouvernement, il imposerait des conditions à l’URSS [et à défaut de leur abdication, ndlr] voire un ultimatum».
Dans le même sens, le Premier ministre britannique affirme que «si les Soviétiques refusent [de se soumettre, ndlr], le Kremlin doit être informé, à moins qu'il ne reconsidère sa position, que nous bombarderons l’une des 20 ou des 30 villes [les plus peuplées du pays désignées auparavant, ndlr]».
«Simultanément, nous devons les avertir qu'il est impératif que la population civile de chaque ville nommée soit immédiatement évacuée», précise-t-il.
Et si les Soviétiques «refusent» à nouveau de se soumettre?
Dans ce cas, «nous devrons bombarder l’une des villes cibles, et si nécessaire d’autres», avance-t-il, d’après le militaire américain, soulignant que selon le Premier ministre britannique, «après une troisième frappe, une telle panique s’ensuivra parmi le peuple et au sein même du Kremlin que nos condition seront acceptées».
Julius Ochs Adler rétorque à Churchill qu'il ne croit pas que le peuple américain «consentira un jour à une telle forme de guerre préventive». Et d’ajouter que les États-Unis n'utiliseront «les bombes atomiques qu'en représailles».
Enfin, le général Adler rappelle au Premier ministre anglais «que la Grande-Bretagne et les États-Unis ont de nombreux partenaires à prendre en considération qui pourraient s’opposer à une telle politique».
Jusqu’où Churchill est-il prêt à aller?
Le Pr Toye qui a découvert la note écrite par le général Adler rappelle «qu’il est bien connu que Churchill préconisait ce type de menace avant août 1949, alors que l'Union soviétique n'avait pas encore développé ses propres armes nucléaires». Cependant, pour l’historien, bien que les propos de Winston Churchill soient choquants, il n’en demeure pas moins qu’à son retour au pouvoir vers fin 1951, «la politique qu’il a poursuivie [à l’égard de l’URSS, ndlr] était plutôt meilleure».
Néanmoins, le Pr Toye relève qu’une question intéressante demeure: à qui Churchill pensait pour les mise à exécution de ses menaces? Voulait-il dire: «Je le cela quand je serai de retour au pouvoir? Ou que le Président Truman devait le faire maintenant?». Peut-être aussi qu’en tenant ces propos au général Adler, pensait-il que par sa position, ce dernier «pourrait influencer l’administration américaine»? «C’est une possibilité», conclut l’historien.
Quelques précisions
Il y a lieu de noter que Winston Churchill avait une grande admiration pour le Président Truman qui, rappelons-le, a pris la décision en août 1945 de larguer deux bombes atomiques sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, alors que le Japon avait déjà capitulé et qu’il n’y avait aucune raison militaire de la faire, si ce n’est pour des considérations géopolitiques envers l’URSS justement.
En janvier 1954, le général-major Julius Ochs Adler est nommé par le Président Eisenhower responsable de la réorganisation de l’armée de réserve américaine, au côté d’Arthur S. Flemming, directeur de la mobilisation au Département de la Défense.