Afin de célébrer le 75e anniversaire de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès du ministère des Armées, a tenu à leur rendre hommage. Vendredi 8 mai, elle a publié un message sur Twitter pour saluer les Alliés et «leur contribution à la victoire» qui a été «à la hauteur de leurs sacrifices».
Sauf que sa publication ne contenait que des drapeaux anglo-saxons, sans celui de l’URSS, pays qui a pourtant comptabilisé le plus de morts durant ce conflit. Publié en français et en anglais, le message a été supprimé depuis.
Tweets supprimés par Geneviève Darrieussecq @gdarrieussecq
— Fallait Pas Supprimer 📸 (@FallaitPasSuppr) May 8, 2020
Secrétaire d’État auprès de la ministre des armées
Un oubli Geneviève ?https://t.co/g4JBUXsCQQhttps://t.co/g5dZwrc902 pic.twitter.com/3E6hpAt3KT
Olivier Berruyer, créateur du site Les Crises, a réagi en publiant un graphique comparant les 184.000 soldats américains tués en Europe face aux 11 millions de morts de l’URSS. En prenant en compte les civils, l’Union soviétique totalise une perte de 20 à 30 millions de personnes.
On ne sait plus à ce stade si Mme la Secrétaire d'État aux Armées fait ici la démonstration de son inculture crasse ou de sa propagande, mais il serait bon de se rappeler l'Histoire, et qui a principalement payé le prix du sang pour écraser les nazis...https://t.co/px4WI9lUsQ https://t.co/wXcCIc8qwT pic.twitter.com/krztabmfjy
— Olivier Berruyer (@OBerruyer) May 8, 2020
D’autres se sont indignés de cet «oubli», à l’image de l’auteur Maxime Cauchard, qui a accusé la secrétaire d’État de révisionnisme, et Bertrand Dutheil, conseiller régional d’Île-de-France.
Ce tweet est tout bonnement honteux. Ne pas mentionner les peuples qui ont payé le plus lourd tribut à la lutte contre les Nazis porte un nom : ça s’appelle le révisionnisme.
— Maxime Cochard (@MaximeCochard_) May 8, 2020
Pour la sous-ministre macroniste @gdarrieussecq les alliés de la France le 8 mai 1945 étaient seulement les Anglo-Saxons. Oubliés les peuples de l'Union Soviétique et bien d'autres #meprisable
— Bertrand Dutheil (@BDLR_LP) May 8, 2020
Manque de culture ou propagande américaine?
L’anniversaire de la victoire sur le nazisme a été l’occasion pour de nombreux responsables politiques de donner leur vision de l’Histoire, remaniée selon les opinions de chacun. Le 8 mai, la Maison-Blanche a ainsi annoncé que les vainqueurs étaient les États-Unis et le Royaume-Uni.
On May 8, 1945, America and Great Britain had victory over the Nazis!
— The White House (@WhiteHouse) May 8, 2020
"America's spirit will always win. In the end, that's what happens." pic.twitter.com/umCOwRXWlB
La veille, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, et neuf autres ministres des Affaires étrangères d’Europe centrale et orientale, avaient accusé la Russie de «falsifier l’Histoire». Ils avaient notamment indiqué que l’Europe n’avait pas été totalement libérée en 1945, puisque l’URSS avait ensuite imposé le communisme dans une partie de celle-ci.
Du côté français, l’opinion publique semble aussi avoir changé au fil des années à propos des véritables vainqueurs. Ainsi, d’après le sondage de l’Institut français de l’opinion publique (Ifop) mené en 1945, 57% des gens estimaient que c’est l’URSS qui avait le plus contribué à la défaite de l’Allemagne nazie. Ils n’étaient plus que 20% à penser la même chose en 2015, tandis que 54% avaient répondu que les grands gagnants étaient les États-Unis.
Selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Institut de sondage, plusieurs raisons peuvent expliquer cette tendance. Par exemple, l’effondrement du parti communiste en France, qui était majoritaire en 1944, mais aussi la mise en avant du débarquement en Normandie par rapport à d’autres événements d’envergure comme les batailles de Stalingrad et de Koursk.