Émoi au Cameroun après l’emprisonnement d’un sous-doué fraudeur au bac

L’emprisonnement d’un élève de 18 ans, accusé d’avoir participé avec quatre autres personnes à une fraude à l’examen de baccalauréat, suscite l’indignation au Cameroun. Outrés par un traitement jugé sévère, plusieurs personnalités et anonymes exigent sa libération. Dans le même temps, d’autres approuvent la sanction.
Sputnik

Sa photo fait encore le tour de la Toile et la une des journaux cette deuxième semaine du mois de septembre au Cameroun. Et un peu partout sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #LiberezKevin, de nombreux internautes s’indignent et exigent la libération de Kevin Ngassam, élève de 18 ans dans un lycée dans l’ouest francophone du Cameroun.

Le jeune homme a été placé sous mandat de dépôt de détention provisoire mercredi 2 septembre à la prison centrale de Yaoundé dans une affaire de fraude à l’examen du baccalauréat.

En effet, Kevin Ngassam et quatre autres personnes (un élève âgé de 20 ans, deux étudiants et un enseignant) ont été interpellés dans le cadre d’une affaire de fraude aux examens après la fuite des épreuves du baccalauréat de la session de juillet 2020.

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L’adolescent aurait reçu et partagé avec des camarades dans un groupe d’étude une épreuve d’examen en circulation sur les réseaux sociaux. Les mis en cause sont poursuivis pour «fraude aux examens et complicité» et risquent, selon le Code pénal camerounais, en son article 163, un «emprisonnement d’un mois à trois ans de prison…».

Appel à l’indulgence de la justice

Si les enquêtes suivent encore leur cours, plusieurs personnalités et anonymes ne cachent pas leur désaccord sur la sévérité de la procédure et, surtout, l’incarcération du jeune élève. Parmi elles, des stars de la musique et du football comme Éric Maxime Choupo Moting, capitaine de l’équipe nationale du Cameroun qui appelle à la libération du jeune adolescent.

«Je plaide pour la libération de Kévin. La prison n’est pas la solution à une telle situation», a écrit l’international camerounais sur sa page Facebook ce samedi 5 septembre 2020.

Dans le pays, l’affaire alimente des débats passionnés. Si, pour certains, il faut laisser la justice faire son travail, d’autres en appellent à l’indulgence. Armand Noutack, enseignant dans un lycée à l’ouest du Cameroun et militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC-opposition), estime que «ce n’était pas nécessaire de l’enfermer ainsi que les coaccusés. Je pense qu’on pouvait les inculper et les laisser comparaître libres jusqu’au verdict à la fin du procès».

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Si l’emprisonnement de Kevin Ngassam suscite l’émoi général, Serge Espoir Matomba, premier secrétaire du PURS (Peuple uni pour la rénovation sociale, un parti de l’opposition), estime que «le réflexe de la République du tout-permis doit à un moment s’arrêter. Et si cela doit commencer par la décision de ce juge tant mieux, quitte à ce qu’il choisisse ensuite d’être indulgent ou pas».

«Cette interpellation doit au demeurant nous prodiguer des enseignements. D’abord que tout n’est pas bon à partager sur les réseaux sociaux. Ensuite que la République peut décider à tout moment de traquer ceux qui la traînent dans la rue et dans la boue, et les punir», a-t-il écrit dans une déclaration rendue publique sur les réseaux sociaux.

Certains observateurs comme le Dr Richard Makon, enseignant-chercheur à l’université de Douala, relativisent tout en dénonçant le caractère tyrannique d’une «justice sans humanisme».«Une société qui emprisonne des nourrissons innocents pendant que de vieux criminels se pavanent librement a évidemment perdu tout repère moral», argue le politologue.

Surtout que, renchérit Hilaire Kamga, militant des droits de l’Homme, l’élève n’a aucune responsabilité dans le délit commis puisqu’il n’est administrativement pas en charge de la sélection, de la reprographie et de la distribution des épreuves pour être lui aussi incarcéré.

«Cette question est politique et juridique. Pris sous l’angle juridique, cet élève n’est pas responsable parce qu’il n’était pas en train de composer pour qu’on parle de fraude à l’examen. Ce qui peut être retenu contre lui et ses camarades, c’est uniquement la fuite des épreuves. Or, ce ne sont pas eux qui sont responsables de la fuite de ces épreuves», plaide-t-il au micro de Sputnik.

Mi-août dernier, le ministère des Enseignements secondaires avait prescrit une enquête administrative au terme de laquelle sept responsables en service à l’Office du baccalauréat du Cameroun (OBC) avaient été sanctionnés. Les sept personnes en service à la reprographie de l’OBC ont écopé de suspensions de trois mois pour négligence et complicité de fuite des épreuves.

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Si l’affaire suit encore son cours devant les juridictions, Cabral Libii, député de l’opposition, dans une déclaration sur Facebook, estime que l’adolescent «est certes un maillon périphérique qui mérite d’être sanctionné»…

…«il est cependant urgent de punir très sévèrement les adultes responsables. Le peuple attend que les dysfonctionnements qui ont conduit à la dérive soient réparés et réprimés. Il en va du peu de crédibilité qui reste à notre système éducatif», considère-t-il. 

Pour rappel, les épreuves de physique, chimie et sciences de la vie et de la terre (SVT), initialement conçues pour les classes des séries scientifiques, avaient fuité sur la Toile, obligeant les autorités à les annuler et à programmer d’autres sujets. De nouveaux examens avaient été planifiés les 3 et 4 août derniers.

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