Lionel Jospin a accordé une interview à L’Obs, à l’occasion de la parution de son ouvrage, Un temps troublé. L’ancien Premier ministre, retiré de la vie politique depuis 2002, se dit animé d’une «sourde inquiétude» sur la situation du pays, et sur le paysage politique français, qui n’a pas changé selon lui depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
Lionel Jospin a admis ne pas connaître personnellement le chef de l’État, mais s’intéresser à son action politique, qu’il critique à certains égards.
Rappelant que l’élection de 2017 s’était décidée après plusieurs rebondissements inattendus, comme l’affaire Fillon ou le renoncement de François Hollande, l’ancien Premier ministre a ainsi mis en doute «la nature de l’adhésion des Français» au projet d’Emmanuel Macron, dès ses débuts.
«Il m’intéresse, m’intrigue et m’inquiète […] Cet homme jeune, énergique, talentueux et ayant le sens du moment opportun […] a su saisir l’occasion qui se présentait. Mais il s’est peut-être leurré sur sa force véritable […] et sur la nature de l’adhésion des Français à ce qu’il proposait», explique-t-il à L’Obs.
Qualifiant Emmanuel Macron de «premier des "dégagistes"», Lionel Jospin lui reproche également d’avoir inspiré «l’infléchissement libéral» de la gauche, alors qu’il était au service de François Hollande.
Verticalité du pouvoir
Lionel Jospin ajoute que depuis son élection, la chimère du «nouveau monde» proposé par Emmanuel Macron s’est évanouie. L’ancien Premier ministre pense même que l’actuel chef de l’État a accentué «la pente présidentielle» de la Ve République, en faisant preuve d’une «extrême verticalité» dans l’exercice du pouvoir.
«Le logiciel du Président est à mes yeux anachronique. Il a mené jusqu’ici une politique économique et sociale déséquilibrée. Sa méthode politique, celle de la verticalité, est également d’un autre âge», déclare Lionel Jospin à L’Obs.
Selon lui, cette verticalité a amené le Président à «court-circuiter les partenaires sociaux et les élus locaux», ce qui a entraîné des tensions dans le pays, jusqu’à la crise des Gilets jaunes.
Lionel Jospin estime en outre que le Président de la République ne peut pas s’appuyer sur son parti, La République en Marche, qu’il qualifie de «structure vide», ne possédant pas d’«assise véritable» dans le pays. Une situation qui rend la position du chef de l’État «fragile», en particulier quand vient «le temps des désillusions», selon l’ancien ministre de Jacques Chirac.