Mali: panique à bord, mouvement d’humeur ou coup d’État militaire?

Kati sous tension, Bamako sous pression, c’est un peu l’humeur de ce mardi 18 août au Mali. D’un côté, une marche annoncée par l’opposition et finalement convertie en manifestation sur le boulevard de l’Indépendance au cœur de Bamako, et de l’autre, un mouvement d’humeur militaire qui sème la panique dans la capitale et ses environs.
Sputnik

Le Mali en passe de renouer avec ses vieux démons? Les habitants de Bamako et ses alentours se sont réveillés dans une panique presque générale ce mardi 18 août. Sur le chemin du travail ou l’oreille collée à la radio, les médias locaux les informaient déjà très tôt des arrestations de cadres et  hauts gradés de l’armée. Le ministre de l’Économie et des Finances Abdoulaye Daffe aurait notamment été enlevé dans son bureau du quartier ACI 2000 par des hommes armés.

Plusieurs autres ministres dont celui des Affaires étrangères, le président de l’Assemblée nationale ainsi que des généraux de l’armée seraient aux arrêts. La Primature et la présidence de la République auraient également été évacuées.

Dans un camp militaire à Kati, une ville située à quelques encablures de Bamako, des habitants rapportent à Sputnik que durant une demi-heure, des tirs ont été entendus, générant une frayeur qui a entraîné la fermeture du marché de la ville ainsi que de certains édifices publics. Les chancelleries occidentales ont émis des messages d’alerte.

Comme un air de mars 2012. Après l’humiliante défaite subie par l’armée malienne contre les combattants touaregs dans le Nord, une junte militaire s’était alors emparée du pouvoir, chassant le Président Amadou Toumani Touré. Tout avait commencé par un mouvement d’humeur militaire… à Kati.

Coup de force militaire

Jusqu’à 15h GMT, la situation est restée confuse et aucun lien n’avait encore été établi entre les événements en cours et les appels à la démission du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, portés depuis des mois par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). La veille, ce regroupement de plusieurs forces civiles et politiques du pays avait annoncé une «intensifications des actions».

Mali: panique à bord, mouvement d’humeur ou coup d’État militaire?

Finalement, à la mi-journée, le Mouvement a annulé la marche prévue tout au long du mardi et du mercredi pour camper boulevard de l’Indépendance pendant 72 heures au moins, selon le nouveau mot d’ordre, avec des messages hostiles au gouvernement actuel.

«Il faut attendre les prochaines heures pour y voir clair. Que Dieu garde le Mali mais il faut que les militaires ne se mêlent pas de cela», a réagi au micro de Sputnik le docteur Abdoulaye Sy, président de la Coalition des forces patriotiques (COFOP), membre de la majorité présidentielle.

«Rien n’est sûr pour le moment parce qu’il peut y avoir des comptes à régler entre les soldats eux-mêmes. Tant qu’il n’y a pas de déclaration officielle du pouvoir et de l’armée, on ne peut rien dire mais c’est une très mauvaise chose pour notre pays. Nous avons déjà suffisamment de problèmes», regrette-t-il.

Pour l’analyste politique Dr Bréma Ely Dicko, il s’agirait plutôt d’une récupération de la contestation par une partie des militaires.

«Lorsque les civils commencent à manifester et que la situation se complexifie, il faut toujours un soutien militaire. Pour l’heure, il n'y a pas de lien établi entre ces soldats et le M5-RFP. Si cela n’est pas avéré dans les prochaines heures, cela veut dire qu’il y a une récupération par une partie de l’armée qui est probablement frustrée contre l’élite militaire et qui aspire à une autre gouvernance. Elle profiterait alors de la situation actuelle du pays pour récupérer le pouvoir.»

À la tête des opérations, selon certains observateurs, on trouverait le colonel Sadio Camara, ex-directeur du Prytanée militaire de Kati, ou encore le Colonel Diaw, de la région militaire de Kati, que l’on présente aujourd’hui comme «le nouvel homme fort du Mali».

Les leçons de la crise politique malienne
La rupture sociopolitique que vit le Mali depuis le 5 juin s’amplifie de jour en jour. Les différentes missions de médiation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ainsi que le Sommet virtuel extraordinaire des chefs d’État de cette organisation n’ont pas pu trouver de consensus qui permettrait une sortie de crise. Pourtant, dans un communiqué officiel daté du 18 août 2020, face aux derniers événements de la crise, la Cedeao a réaffirmé sa disponibilité à accompagner «les parties prenantes maliennes dans leurs efforts pour résoudre cette crise».

Au centre de la débâcle actuelle: des revendications sociales non prises en compte à temps par les autorités et qui se sont notamment manifestées par des marches dans les secteurs de l’éducation, de la santé ou de la justice depuis bientôt deux ans. À côté de cela, l’épineuse problématique liée à la sécurité au centre et au nord du Mali est toujours au cœur de toutes les préoccupations.

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