Le Mali en passe de renouer avec ses vieux démons? Les habitants de Bamako et ses alentours se sont réveillés dans une panique presque générale ce mardi 18 août. Sur le chemin du travail ou l’oreille collée à la radio, les médias locaux les informaient déjà très tôt des arrestations de cadres et hauts gradés de l’armée. Le ministre de l’Économie et des Finances Abdoulaye Daffe aurait notamment été enlevé dans son bureau du quartier ACI 2000 par des hommes armés.
Urgent #Mali #Insécurité
— JournalduMali (@JourDuMali) August 18, 2020
Le MEF, Abdoulaye Daffé, enlevé a son bureau de lACI 2000 par des hommes armés aux alentours de 8h00. pic.twitter.com/M7qlNW2F0P
Plusieurs autres ministres dont celui des Affaires étrangères, le président de l’Assemblée nationale ainsi que des généraux de l’armée seraient aux arrêts. La Primature et la présidence de la République auraient également été évacuées.
Dans un camp militaire à Kati, une ville située à quelques encablures de Bamako, des habitants rapportent à Sputnik que durant une demi-heure, des tirs ont été entendus, générant une frayeur qui a entraîné la fermeture du marché de la ville ainsi que de certains édifices publics. Les chancelleries occidentales ont émis des messages d’alerte.
Comme un air de mars 2012. Après l’humiliante défaite subie par l’armée malienne contre les combattants touaregs dans le Nord, une junte militaire s’était alors emparée du pouvoir, chassant le Président Amadou Toumani Touré. Tout avait commencé par un mouvement d’humeur militaire… à Kati.
#Mali #Insécurité #Armée
— JournalduMali (@JourDuMali) August 18, 2020
Le Président de l'Assemblée nationale, @RPMTIMBINE, enlevé a son domicile officiel par des hommes armés plus tôt ce matin. pic.twitter.com/utIWpy4CO5
Coup de force militaire
Jusqu’à 15h GMT, la situation est restée confuse et aucun lien n’avait encore été établi entre les événements en cours et les appels à la démission du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, portés depuis des mois par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). La veille, ce regroupement de plusieurs forces civiles et politiques du pays avait annoncé une «intensifications des actions».
Finalement, à la mi-journée, le Mouvement a annulé la marche prévue tout au long du mardi et du mercredi pour camper boulevard de l’Indépendance pendant 72 heures au moins, selon le nouveau mot d’ordre, avec des messages hostiles au gouvernement actuel.
«Il faut attendre les prochaines heures pour y voir clair. Que Dieu garde le Mali mais il faut que les militaires ne se mêlent pas de cela», a réagi au micro de Sputnik le docteur Abdoulaye Sy, président de la Coalition des forces patriotiques (COFOP), membre de la majorité présidentielle.
«Rien n’est sûr pour le moment parce qu’il peut y avoir des comptes à régler entre les soldats eux-mêmes. Tant qu’il n’y a pas de déclaration officielle du pouvoir et de l’armée, on ne peut rien dire mais c’est une très mauvaise chose pour notre pays. Nous avons déjà suffisamment de problèmes», regrette-t-il.
Pour l’analyste politique Dr Bréma Ely Dicko, il s’agirait plutôt d’une récupération de la contestation par une partie des militaires.
«Lorsque les civils commencent à manifester et que la situation se complexifie, il faut toujours un soutien militaire. Pour l’heure, il n'y a pas de lien établi entre ces soldats et le M5-RFP. Si cela n’est pas avéré dans les prochaines heures, cela veut dire qu’il y a une récupération par une partie de l’armée qui est probablement frustrée contre l’élite militaire et qui aspire à une autre gouvernance. Elle profiterait alors de la situation actuelle du pays pour récupérer le pouvoir.»
À la tête des opérations, selon certains observateurs, on trouverait le colonel Sadio Camara, ex-directeur du Prytanée militaire de Kati, ou encore le Colonel Diaw, de la région militaire de Kati, que l’on présente aujourd’hui comme «le nouvel homme fort du Mali».
Au centre de la débâcle actuelle: des revendications sociales non prises en compte à temps par les autorités et qui se sont notamment manifestées par des marches dans les secteurs de l’éducation, de la santé ou de la justice depuis bientôt deux ans. À côté de cela, l’épineuse problématique liée à la sécurité au centre et au nord du Mali est toujours au cœur de toutes les préoccupations.