Cameroun: Après les Lions de 90, les champions olympiques réclament eux aussi une meilleure récompense

Alors que Paul Biya vient d'offrir un logement à chacun des anciens footballeurs camerounais en guise de reconnaissance trente ans après leur exploit au Mondial de 1990, les champions olympiques de Sydney 2000 expriment à leur tour des revendications. Une sortie qui relance le débat sur le sort réservé à ces anciennes gloires dans le pays.
Sputnik

En offrant des maisons d’habitation aux 22 joueurs des Lions indomptables du Cameroun -nom donné à l’équipe nationale-, quarts de finalistes à la Coupe du monde de 1990 en Italie, le chef de l'État camerounais a ouvert la porte à d'autres revendications.

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Dans une correspondance datée du 6 août dernier, la génération des Lions indomptables espoirs, champions olympiques de football en 2000 à Sydney, revendique elle aussi une plus  grande reconnaissance nationale à la hauteur de leur exploit inédit.

«Nous, les champions olympiques, après discussions entre nous, voudrions que notre capitaine (Geremi Sorele Njitap) écrive au chef de l’État, son excellence Paul Biya, pour une récompense à la hauteur de notre performance il y a 20 ans car nous estimons avoir remporté le plus grand succès de l’histoire du football camerounais sur le plan mondial», peut-on lire dans le texte signé de Serge Branco Namekong, l’un des médaillés d’or de l’expédition de Sydney 2000.

En effet, lors des Jeux olympiques de Sydney de 2000, ces héros nationaux -parmi lesquels Patrick Mboma, Idriss Carlos Kameni et Samuel Eto’o- ont permis au Cameroun d’obtenir une médaille d'or. Toutefois, ceux-ci ne se sont pas associés, pour l’heure, à l’initiative de Serge Namekong. Celle-ci semble avoir plus de succès auprès certains de leurs collègues à qui l’avenir a réservé une moins brillante carrière.
Après l'exploit d'une victoire sur le Brésil de Ronaldinho en quart de finale, les Lions olympiques se sont imposés en finale contre l'Espagne de Xavi Hernandez et Carles Puyol aux tirs au but. Seulement, si cette performance mérite des lauriers, Léandre Nzié, journaliste spécialiste des questions de sport, trouvent malvenue la revendication de ces anciens champions au moment où le pays célèbre les trente ans des Lions de l’épopée de 1990. «Il se trouve que ces logements offerts sont le fruit d’une promesse qui avait été faite au lendemain de la prouesse de 1990 et que 30 ans après, aucun joueur n’a pu rentrer en possession de ces habitations. C’est donc sur cette base que ces anciennes gloires ont adressé une nouvelle correspondance au chef de l’État qui a cette fois-ci répondu promptement à leur appel.»

«Maintenant, si les médaillés d’or de Sydney 2000 veulent  profiter de ce vent de reconnaissance pour placer aussi leurs revendications, il va d’abord falloir se questionner sur ce qui leur a été promis après leur performance au tournoi de football des Jeux olympiques», commente l’analyste au micro de Sputnik.

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Il y a trente ans, en Italie, le Cameroun s’illustrait sur la scène mondiale en devenant la première équipe africaine à atteindre les quarts de finale d’une Coupe du monde de football. À la suite de cette glorieuse aventure, Paul Biya avait promis d’attribuer des logements en guise de récompense aux héros de cette épopée. Une promesse qui est par la suite tombée dans les filets d’interminables procédures administratives. Cette longue attente s'explique par le fait qu'une liste de 44 noms avait été soumise, qui comprenait des membres du staff administratif en plus des 22 joueurs.

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Alors que l’année 2020 marque le trentième anniversaire de cette performance, une association d'anciens joueurs des Lions indomptables a relancé le dossier par une lettre adressée à la présidence en juin dernier. Paul Biya a finalement signé mercredi 5 août une note autorisant l’attribution des résidences aux 22 Lions de cette expédition. Une dotation qui intervient au moment où trois des joueurs de cette équipe -Louis Paul Mfede, Benjamin Massing et Stephen Tataw, le capitaine- sont déjà décédés. «Une suprême reconnaissance» bien que tardive saluée par les coéquipiers de Roger Milla, dont Jules Denis Onana, porte-parole de la génération 90: «Ces dons représentent pour beaucoup nous.»

«Ils matérialisent l’attention particulière du chef de l’État pour les sportifs et les ambassadeurs de l’excellence camerounaise. Nous nous en sentons valorisés», se réjouit l’ancien Lion au micro de Sputnik.

Dans le pays, cette affaire relance le débat autour de la célébration des ambassadeurs sportifs. Les problèmes de primes impayées ont de longue date émaillé le parcours des équipes nationales du Cameroun, que ce soit celles de football ou d’autres sports. Malgré le temps qui passe et les multiples scandales enregistrés dans la gestion des récompenses, le fléau demeure et engendre des conséquences directes sur les performances sportives.

Léandre Nzié pense qu’il faudrait une meilleure organisation dans le traitement des sportifs du pays.

«À l’approche d’une compétition sportive d’envergure, les primes devraient être établies selon les performances (…) Ce type de traitement prédéfini peut permettre d’éviter des quiproquos comme ceux qui font les choux gras de la presse camerounaise actuellement. Ainsi, ces anciennes gloires n’auront plus à revendiquer quoi que ce soit car tout ira de soi», estime le chroniqueur sportif.

Seulement, malgré les multiples scandales relatifs à la gestion des primes et autres récompenses, le problème se pose encore automatiquement à la veille de chaque compétition.

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Réagissant aux doléances posées par les champions olympiques, Jule Denis Onana estime que «nous défendons tous avec la même ardeur les couleurs nationales. Les résultats sont parfois différents et les attentes diverses. Chaque génération peut apprécier différemment les attentions du chef de l’État».

«Au-delà de cela, c’est la problématique du statut du sportif de haut niveau et de la gestion de l’environnement des Lions indomptables qui est posée», souligne-t-il.

L’environnement du sport au Cameroun est à l’image des autres secteurs d’activité, gangrené par la corruption et le clientélisme et où chaque responsable travaille à se renflouer les poches au détriment des acteurs clés. 

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