Pendant la pandémie de Covid-19, c’est «pollution as usual» pour les sociétés minières canadiennes au Mexique.
«Environ trois sociétés minières sur quatre au monde sont canadiennes. L’immense majorité des sociétés minières du monde sont cotées en bourse à Toronto: elles le sont à peu près à hauteur de 60%. […] La diplomatie canadienne est une sorte de lobby des sociétés minières, c’est le bras armé de ces entreprises», soulignait le célèbre économiste Alain Deneault en entrevue avec Sputnik, en janvier 2020.
Le 14 juillet dernier, nouvel épisode de cette triste saga canadienne au Mexique: une filiale du groupe Fortuna Silver a été accusée d’avoir contaminé une importante nappe phréatique et deux cours d’eau qui en dépendent.
En Images: voici les bassins de Magdalena Ocotlán, que les autorités et les habitants accusent d’avoir été contaminés par l’entreprise minière Cuzcatlán; la filiale de l’entreprise canadienne Fortuna Silver assure que l’incident n’a aucun rapport avec leurs procédés [d’extraction, ndlr].
Installée dans le village de San José del Progreso, dans l’État d’Oaxaca, la société minière Cuzcatlán exploite des gisements d’or et d’argent depuis 2012. Le village, qui compte 7.000 habitants, abrite surtout des membres de la communauté autochtone zapotèque, bien connue de la région.
Ruée vers l’or: après les Espagnols, les Canadiens…
La nouvelle controverse a commencé lorsque des habitants des environs se sont aperçus que deux cours d’eau étaient devenus rougeâtres et avaient changé de texture. Des rassemblements ont alors été organisés pour dénoncer les activités de la mine, dont les installations sont situées à 400 mètres des zones contaminées.
En ce moment, des membres de la communauté de Magdalena Ocotlán accusent la compagnie minière qui opère à San José del Progreso de contamination.
Les cours d’eau en question sont situés sur le territoire de la municipalité voisine de Magdalena Ocotlán. Le maire de ce village, Pedro Máximo Aquino, est l’un des organisateurs de ces manifestations. En entrevue avec Sputnik, il dénonce ce qu’il voit comme une violation des droits territoriaux de sa communauté.
«Nous voulons commander une étude pour connaître le degré de contamination des cours d’eau. Nous avons déjà constaté de nombreux dégâts dans des zones concernées, mais on ne nous envoie pas les ressources pour faire les études nécessaires. […] Les gens de la communauté sont en colère. Nous sommes en train de mettre la pression sur les gouvernements, car ils nous ignorent», confie-t-il au micro de Sputnik.
Si le maire de San José del Progreso demande que soit réalisée une étude, c’est qu’une première enquête a déjà été réalisée pour déterminer si la minière Cuzcatlán était à l’origine de la contamination. Menée par le Procureur fédéral à la protection de l’Environnement, l’étude blanchit complètement la minière canadienne, une conclusion que réfutent résolument de nombreux habitants de la région.
«Les minières canadiennes ne sont jamais tenues responsables. Elles prétendent toujours qu’elles ne contaminent rien. Ces études évoquent des merveilles que personne n’a jamais vues. […] Le problème avec les minières, c’est qu’ici au Mexique, les lois sont très laxistes, alors elles profitent des failles du système sans contribuer au développement du pays», déplore Virgilio Neri Contreras en entrevue.
Sur le plan écologique, les impacts négatifs de plusieurs minières canadiennes en Amérique latine sont maintenant de notoriété publique.
Pollution: des cas semblables partout en Amérique latine
Le 6 janvier dernier, une délégation d’Autochtones manifestait devant l’ambassade du Canada au Chili, dans la capitale de Santiago, pour dénoncer l’expansion des minières canadiennes Teck et Barrick, basées respectivement à Vancouver et Toronto. À cette occasion, Sputnik avait interrogé l’organisatrice de l’événement et conseillère municipale de la communauté concernée, Catalina Cortés:
«Les entreprises minières canadiennes ont carte blanche au Chili. […] Ces entreprises pompent l’eau de nos territoires ancestraux. Notre communauté est surtout composée d’agriculteurs. Les minières canadiennes utilisent toute l’eau dont les agriculteurs ont besoin. Parfois, il ne reste pas assez d’eau pour nourrir le bétail. Les minières sont en train d’assécher les nappes phréatiques», dénonçait-elle à notre micro.
Ce n’est pas la première fois qu’un cas majeur de contamination est dénoncé par des regroupements de citoyens dans l’État d’Oaxaca. En juin 2019, un groupe de manifestants était parvenu à interrompre le convoi de l’actuel Président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, pour lui demander de mettre fin aux activités des minières étrangères dans la région. Le Président de gauche avait fini par laisser tomber que «quelqu’un viendrait» analyser la situation.
Les manifestants d’Oaxaca bloquent la route du Président #AMLO, lui demandant d’annuler les concessions des compagnies minières.
Selon Virgilio Neri Contreras du Centre d’études de la région cuicatèque, le Plan Puebla-Panama est aussi à blâmer en ce qui concerne l’immunité dont bénéficient les minières étrangères. Adopté par Mexico en 2001, ce plan vise le développement économique du Sud, partie la plus pauvre du pays et la plus peuplée d’Amérindiens.
«Ce projet est en grande partie fondé sur l’extraction minière. Malheureusement, c’est fait au profit de différentes entreprises transnationales. […] Les minières étrangères violent plusieurs lois et achètent régulièrement des représentants autochtones qui leur cèdent des territoires pour une poignée de pesos», s’indigne-t-il.
En 2009, Mariano Abarca, célèbre militant écologiste opposé aux sociétés minières, était assassiné dans le Sud du pays, tout près de la frontière avec le Guatemala. Quelque temps après son meurtre –qui a fait grand bruit–, une délégation de Mexicains s’est rendue au Canada pour déposer une plainte au Commissaire canadien à l’intégrité du secteur public. L’avocat de M. Mariano, Miguel Angel de los Santos, juge encore aujourd’hui que le Canada porte une certaine responsabilité dans cette affaire.