La médiation –entreprise ce 23 juillet à Bamako par cinq chefs d’État (Nigeria, Côte d’Ivoire, Ghana, Niger et Sénégal) de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) auprès des protagonistes de la crise politique et sécuritaire qui frappe le Mali– porte en elle une autre question: le devenir de la zone frontalière entre le Sénégal et le Mali.
Celle-ci est l’objet d’une surveillance accrue de l’armée sénégalaise, encadrée par des experts militaires de l’Union européenne.
«Il y a un gros travail d’anticipation à faire en commun, ici et maintenant, entre les deux États afin de sécuriser les différents points de passage de la frontière. Mais cela exige de repenser une stratégie sécuritaire régionale et intégrée», indique à Sputnik Alioune Tine, expert indépendant des Nations unies sur le Mali.
Les chefs d’État de la Cedeao à Bamako, jeudi 23 juillet 2020.
Entre mille feux de contagion djihadistes et autres menaces criminelles, le Sénégal blinde petit à petit sa frontière terrestre avec son voisin malien, longue de 480 kilomètres, au-delà de laquelle se dresse Kayes, une des régions du Nord-Mali où règne l’insécurité «criminelle» et djihadiste. À cet effet, la zone sud-est est devenue un véritable chantier de construction d’infrastructures militaires qui obéissent «à une vision stratégique et opérationnelle»: annihiler et/ou contenir les infiltrations de type criminel susceptibles de déstabiliser cette partie du pays.
«Les attaques des organisations extrémistes violentes, le trafic de drogue et d’êtres humains, la criminalité transfrontalière […] constituent des cercles de feu imbriqués qui menacent au quotidien le Sénégal», a déclaré Sidiki Kaba, le ministre sénégalais de la Défense, lors de la pose de la première pierre du camp militaire de Goudiry le 14 juillet dernier.
Me Sidiki Kaba, ministre sénégalais de la Défense, pose la première pierre du camp militaire de Goudiry.
Après avoir dit «niet» au G5-Sahel, le Sénégal n’a pas tardé à intégrer le Groupe d’action rapide – Surveillance et intervention au Sahel. Le GARSI est un projet multinational de l’Union européenne (UE) dont l’antenne sénégalaise est composée de 150 gendarmes sous coordination militaire française.
«Le péril le plus subversif pour l’État sénégalais, c’est le grand nombre de djihadistes de multiples nationalités sur le sol du Mali. D’un point de vue prospectif, le chaos malien enverra des islamistes venus de Tchétchénie jusqu’aux abords de Bakel [en territoire sénégalais]. Voilà qui donne un sens stratégique à l’implantation d’un camp militaire à Bakel», écrit le politologue sénégalais Babacar Justin Ndiaye dans une note reprise sur plusieurs sites d’information.
Bakel, coincée sur une ligne de frontière entre la Mauritanie et le Mali, a déjà son camp militaire, de même que Kidira, sans oublier Saraya, un autre point frontalier avec le Mali dans la région de Kédougou qui a étrenné en mars dernier sa Brigade territoriale. À côté, la zone malienne bruit de soubresauts imprévisibles.
«Les djihadistes sont déjà à la frontière de Kayes [la plus grande ville malienne la plus proche du Sénégal, ndlr]», souffle un membre de la délégation du Président Macky Sall à Bamako.
En janvier 2020, un groupe de gendarmes sénégalais de la force GARSI avait été pris à partie par des individus non identifiés à moto à Gathiary, un village sénégalais frontalier du Mali. Des munitions et des composantes de Kalachnikov avaient été saisies par les éléments du Garsi.
La mission des cinq chefs d’État ouest-africains n’ayant toujours pas abouti à Bamako, la Cedeao se retrouve au grand complet en sommet extraordinaire, lundi 27 juillet, pour trouver un compromis entre les parties maliennes. En attendant, les Sénégalais espèrent que cette médiation portera ses fruits, notamment en raison des liens particuliers qui unissent les deux pays depuis l’époque de la Fédération du Mali, qui regroupait les deux États.