C’était l’objet de nombreuses spéculations, c’est désormais officiel: Édouard Philippe démissionne et quitte Matignon. Après 1.145 jours en poste, l’heure du renouvellement a sonné, et c’est Jean Castex, un proche de Sarkozy peu connu du grand public, qui le remplace.
Cet élu local, maire de la petite ville de Prades (Pyrénées-Orientales), a été chargé par Emmanuel Macron de planifier le déconfinement des Français. Un profil somme toute assez proche de celui d’Édouard Philippe, lui aussi élu local de droite. Selon Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, interrogé par Sputnik, «on peut penser qu’il s’agit d’un Édouard Philippe bis, sans le volume politique qu’avait le Premier ministre sortant au moment de sa nomination.»
Castex, un virage à droite?
«Cette nomination s’inscrit en continuité par rapport à un électorat de centre droit, voire de droite, qui peut voir en Emmanuel Macron l’un des siens, explique Arnaud Benedetti. Comme Édouard Philippe, Jean Castex est un élu local d’une France périphérique des terroirs, à qui Emmanuel Macron a du mal à parler.»
Quelle différence donc avec le maire du Havre, qui quitte Matignon? Pour le rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, elle est flagrante:
«La grande différence entre les deux, c’est que Jean Castex vient de la droite sarkozyste et non de la droite juppéiste, comme Édouard Philippe. Cette nomination marque donc un virage à droite, même s’il convient de rester prudent, car tout va dépendre de la composition de ce gouvernement et des équilibres internes au sein de ce gouvernement.»
Certains expliquent également sa nomination par le fait que Castex pourrait être celui qui mènera à bien la réforme des retraites, qui tient particulièrement à cœur à Emmanuel Macron. Le nouveau Premier ministre a de l’expérience dans ce domaine, puisqu’il a travaillé sur la réforme des régimes spéciaux, lorsque Xavier Bertrand était ministre du Travail.
Édouard Philippe, victime de sa popularité?
Malgré ces quelques différences, difficile au premier abord de comprendre pourquoi Édouard Philippe, qui est très populaire, a été éjecté. Selon Arnaud Benedetti, c’est peut-être précisément là qu’il faut chercher la clef de sa disgrâce:
«Il y a une volonté du Président de la République d’être à nouveau le maître politique sur un échiquier où la figure du Premier ministre avait manifestement pris le lead.»
Par ailleurs, cette séparation s’effectue officiellement, dans le cadre du virage «vert» annoncé par Emmanuel Macron.
«Le Président de la République et le Premier ministre ont établi un constat partagé quant à la nécessité d’un nouveau gouvernement pour incarner une nouvelle étape du quinquennat, un nouveau chemin», a indiqué l’entourage du chef de l’État à BFMTV.
Une analyse partagée par Arnaud Benedetti, qui explique qu’«après la crise sanitaire, dont on sait que les conséquences sociales et économiques seront particulièrement lourdes, il y a une volonté de vouloir incarner un virage politique qui soit en mesure de répondre aux attentes de l’opinion publique.»
2022 dans le viseur d’Édouard Philippe?
Selon le politologue, «il ne faut pas exclure la possibilité que pour des raisons personnelles, le Premier ministre ait souhaité de mettre un terme à son expérience à Matignon. D’autant plus qu’il part avec un bilan qui, au regard de l’opinion publique, est plutôt positif.» Des raisons personnelles ou politiques?
Beaucoup d’observateurs pensent en effet que le maire du Havre a un chemin tout tracé vers la Présidentielle de 2022. Une hypothèse crédible? Le rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire reste prudent:
«Il est encore tôt pour le dire. Ce qui est sûr, c’est qu’Édouard Philippe sort de Matignon dans des conditions politiques qui lui sont favorables et il va certainement être amené à essayer de les faire fructifier.
Après, tout dépendra de la conjoncture économique et sociale, du rapport de force interne dans la majorité… Il y a encore beaucoup de paramètres qui restent très incertains pour envisager une suite très concrète pour 2022», conclut Arnaud Benedetti.