Abidjan n’a pas échappé au rendez-vous incontournable avec la saison des pluies, avec son lot de morts et de dégâts matériels. La capitale économique de la Côte d’Ivoire a été frappée de plein fouet ce 25 juin par des inondations furieuses et soudaines qui ont paralysé plusieurs quartiers.
À Cocody, commune huppée de l’est d’Abidjan où certains quartiers, après la furie meurtrière de l’eau, ressemblent désormais à des champs de bataille, l’heure est au nettoyage et au bilan des pertes.
La pluie qui continue de tomber, avec certes moins d'ardeur que la veille, menace toutefois de remplacer l’eau qui s’est en grande partie retirée des rues et maisons qui avaient été littéralement «envahies» la veille.
Dans certaines rues, les désagréments des inondations ont rajouté une couche aux embouteillages, ordinairement monstres, nécessitant la présence remarquée des forces de l’ordre. D'autres, pour l’heure impraticables, sont désertes.
Pour Philippe N’Doua, 30 ans, enseignant qui réside à la Riviera Palmeraie –quartier de Cocody régulièrement inondé lors de la saison des pluies–, les inondations de cette année ont «un goût particulièrement amer». Et pour cause, en 2019, un épisode moins rude avait dans l'ensemble épargné Abidjan.
«On pensait vraiment le cauchemar derrière nous, du moins, on l’espérait surtout que les autorités nous ont assuré que les travaux d’assainissement et de drainage engagés ces deux dernières années dans la zone allaient permettre d’améliorer considérablement les choses. Mais avec cette saison des pluies, il semble que pas grand-chose n’a changé. C’est vraiment révoltant et on ne sait plus quoi penser», déclare-t-il, désabusé.
Comme d’autres habitants de son quartier, Philippe a eu la «mauvaise surprise» de retrouver, de retour du travail, son appartement situé au rez-de-chaussée d’une résidence, envahi par l’eau et la boue. «À mon arrivée, l’eau s’était déjà pas mal retirée mais non sans avoir mouillé tout ce qui était à même le sol et pris le soin d’emporter ce qui se trouvait à l’entrée de la maison, notamment mes chaussures», confie-t-il à Sputnik, le sourire figé.
La Sodexam, la société d’État chargée de la météorologie nationale annonçait pour ce 26 juin des pluies possiblement aussi fortes que la veille. De quoi cristalliser les inquiétudes de beaucoup d’Abidjanais. Finalement, les cieux ont décidé d'être plus cléments.
En effet, l’Office national de la protection civile (ONPC) –submergé d’appels à l’aide le 25 juin– annonce sept morts. Un drame qui vient inéluctablement faire écho à l’éboulement qui, seulement une semaine auparavant, avait coûté la vie à 17 personnes à Anyama (banlieue nord d’Abidjan).
Kadi, 19 ans, vendeuse de fruits à une centaine de mètres du rond-point de la Riviera Palmeraie a, elle aussi, échappé de peu à la noyade, surprise par la montée soudaine mais surtout la force des eaux.
«Il pleuvait assez fort mais je me croyais à l’abri là où je m’étais réfugiée. Puis j’ai vite réalisé que l’eau montait très vite mais avec la panique et le courant qui se faisait de plus en plus fort, j’avais peur de bouger. Au bout d’un certain temps, j’ai perdu l’équilibre et le courant m’a aussitôt entraînée vers un grand caniveau pas très loin», raconte-t-elle à Sputnik.
Kadi doit son salut à deux téméraires chauffeurs de taxi qui n’ont pas hésité, devant les cris de détresse de la jeune fille qui est parvenue à s’agripper in extremis à une barre de fer, à braver tant bien que mal le courant pour lui porter secours.
À qui la faute de tous ces drames?
La commune de Cocody n’est pas celle qui enregistre ordinairement la plus forte pluviométrie, mais elle est, année après année, généralement la plus meurtrie. Et il y a bien une explication.
Selon Hermann Zouzou, ingénieur en sécurité industrielle et environnement interrogé par Sputnik, les quartiers de cette commune régulièrement inondés se situent sur une pente qui est directement reliée à la lagune et la mer, et qui reçoit l’excès d’eau des zones situées sur des plateaux comme Abobo.
«Les zones situées sur des plateaux possèdent des aires naturelles et agricoles qui permettent la rétention de l'eau par les sols. Mais, au niveau de Cocody, il y a moins d’aires naturelles. Toute la zone est imperméabilisée, le sol naturel n'a pas une grande superficie pour absorber autant d'eau qu'il peut. Dès lors, l’eau provenant des plateaux poursuit librement son chemin. Les canalisations à Cocody étant sous-dimensionnés parce que, lors de la réalisation des plans, on ne s'attendait pas à de telles quantités de pluie, elles peinent très vite à faire le poids. Pis, ces canalisations sont bien souvent obstruées par toutes sortes de déchets ménagers», a expliqué l’ingénieur.
Pour Hermann Zouzou, régler le problème des inondations à Abidjan est «un chantier immense» qui implique de nombreux aspects techniques qui relèvent des autorités, mais aussi la lutte contre l’incivisme immobilier et sanitaire des populations.
D'ici là, la météo annonce des pluies modérées ou fortes les prochains jours, la saison des pluies devant encore battre son plein en juillet.