C’est la première visite à un pays européen depuis l’élection de Kaïs Saïed , Président tunisien, en octobre 2019. Elle s’inscrit parfaitement dans les traditions diplomatiques du pays, qui veulent que la première destination européenne de chaque nouveau Président élu soit la France, premier partenaire économique de la Tunisie.
Paris a profité de l’occasion pour soutenir, encore une fois, son partenaire de longue date, mais aussi celui qu’elle considère comme «la première démocratie dans le monde arabe», surtout dans un contexte de crise. Ainsi, Emmanuel Macron, tout en saluant l’effort fait par la Tunisie pour combattre le Covid-19, a-t-il annoncé l’octroi d’un nouveau prêt de 350 millions d’euros dans le cadre de l’appui aux projets de développement en Tunisie.
La France, soutient sans faille de «la première démocratie dans le monde arabe»
«La France continuera de donner tout son soutien à la Tunisie dans le domaine de la santé, avec la formation de soignants et de la construction des infrastructures, comme les hôpitaux de Gafsa et de Sidi Bouzid», a déclaré le Président français lors de la conférence de presse conjointe, organisée le 22 juin au Palais de l’Élysée, avant de poursuivre:
«Elle sera là aussi pour soutenir l’activité économique et j’ai indiqué au Président Saïed que la France accordera un prêt de 350 millions d’euros à la Tunisie, dans le cadre des engagements que nous avons pris à l’ordre de 1,7 milliard d’euros jusqu’en 2022 pour agir dans les secteurs prioritaires comme la santé, la formation et l’emploi des jeunes.»
«Cela dénote encore une fois la solidité les relations historiques et économiques entre les deux pays, malgré des tentatives dernièrement de les remettre en cause et la motion présentée au Parlement tunisien exigeant de la France des excuses pour la période coloniale», souligne à Sputnik, Bassel Torjeman, analyste politique et journaliste.
Rappelons ici que la Coalition de la Dignité, une formation politique d’opposition de tendance islamiste, a présenté le 10 juin une motion au Parlement exigeant de la France qu’elle présente des excuses au peuple tunisien pour «les crimes commis durant et après la période coloniale», motion qui a été rejetée.
Position commune sur la question libyenne
Deuxième point important que les chefs d’État ont abordé durant cette visite de 24h, le dossier libyen et notamment « l’ingérence » turque. Le Président français a assuré durant la conférence de presse que la France et la Tunisie avaient «une position commune» sur ce dossier, qui consistait à demander «aux belligérants de cesser le feu et de tenir leurs engagements de reprendre les négociations engagées dans le cadre de Nations unies.»
Emmanuel Macron a aussi appelé à ce que s’arrêtent les «ingérences étrangères et les actes unilatéraux de ceux qui prétendent gagner de nouvelles positions à la faveur de la guerre», n’hésitant pas à qualifier le rôle joué par la Turquie en Libye de «jeu dangereux qui contrevient à ses engagements lors de la Conférence de Berlin.»
Cette conférence, qui s’est tenue le 19 janvier dernier, portait sur la paix en Libye et le respect de l’embargo sur les armes. Sans aller jusqu’à mettre en cause ouvertement une ingérence turque dans le dossier libyen, à l’image de son homologue français, Kaïs Saïed a plutôt insisté sur la position tunisienne qui est «contre la division de la Libye et qui soutient une solution libyenne interne au conflit, tout en appelant à un cessez-le-feu immédiat».
Commentant les déclarations des deux chefs d’État sur le dossier libyen, Bassel Torjeman, a estimé que
«la position commune de la Tunisie et de la France signifie une unification de l’effort diplomatique et politique afin d’imposer un embargo sur les armes en Libye et faire pression sur tous les intervenants dans le dossier libyen –et surtout sur la Turquie– afin de respecter les résolutions de la Conférence de Berlin.»
Il a rappelé à cet égard, la position de neutralité qui a été toujours celle de la Tunisie sur la question libyenne, refusant de prendre position pour une partie au détriment de l’autre, et œuvrant pour la paix et pour une solution interne en Libye.
«Une position qui est adoptée aujourd’hui la plupart des intervenants dans le dossier, dont la France, les États-Unis et la Russie. C’est donc à l’avantage de la Tunisie que ces puissances aient fini par adopter sa vision. Reste alors à unifier les efforts communs et à faire pression afin d’obtenir un cesse-le feu en Libye», souligne l’analyste politique au micro de Sputnik.
La Tunisie a un rôle majeur à jouer dans ce sens, d’autant plus qu’elle est membre non permanent au Conseil de Sécurité de l’Onu, un point que n’a pas manqué de relever Macron, lors de la conférence de presse.
Le programme de la visite comportait une réunion entre les délégations tunisienne et française, suivie d’un entretien en tête-à-tête entre Emmanuel Macron et Kaïs Saïed, puis d’un point de presse le 22 juin. Le soir, le Président tunisien a été convié à un dîner officiel donné en son honneur. Le lendemain, le 23 juin, Kaïs Saïed a effectué une visite à l’Institut du monde arabe et a rencontré la diaspora tunisienne en France. Celle-ci représente environ un million de Tunisiens résidant en France.
Rappelons que la France est le premier partenaire économique de la Tunisie «avec des Investissements Directs Étrangers (IDE), de plus de quatre milliards de dinars (1,2 milliard d’euros) en 2019. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont, malgré la crise du Covid-19, dépassé, durant les cinq premiers mois de l’année 2020, les 6 milliards de dinars (1,8 milliard d’euros) avec plus de 3,5 milliards de dinars (1,08 milliard d’euros) d’exportations tunisiennes vers la France. Environ 1.500 entreprises françaises opèrent en Tunisie, employant 143.416 personnes, soit le tiers des emplois créés par des entreprises étrangères dans le pays», comme le précise le quotidien La Presse.