La question du cannabis revient-elle dans le débat public? Publiée dans L’Obs, une tribune signée par une soixantaine d’élus (LREM, EELV, UDI, LFI, LR), ainsi que des médecins, explique vouloir en finir avec «les effets contre-productifs de la politique prohibitionniste mise en place avec la loi de 1970». Les signataires appellent de leurs vœux «à s’inspirer des modèles étrangers, en construisant une politique publique à la lumière de leurs forces et de leurs faiblesses». Selon eux, «il est plus que jamais nécessaire que nous puissions avancer sur des fondements objectifs».
«D’autant plus que la crise du Covid-19 a posé la question de la dépendance et du rôle du cannabis en période de confinement et de crise sanitaire», écrivent-ils dans L’Obs.
Les Français, premiers consommateurs en Europe
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a d’ailleurs planifié une expérimentation du cannabis à usage médical. Elle concernera environ 3.000 patients atteints de maladies graves, pendant deux ans. Cette initiative, validée par les députés fin octobre 2019, doit être lancée en janvier 2021.
Si l’idée d’utiliser, en dernier recours, cette substance pour soulager les maux des malades fait son chemin, son usage récréatif est loin de faire l’unanimité. Les Français sont les plus gros consommateurs européens, avec 21,80% des 15-34 ans, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), malgré l’arsenal juridique le plus répressif d’Europe. Les utilisateurs de stupéfiants risquent actuellement jusqu’à un an de prison et 3.750 euros d’amende, «mais l’emprisonnement pour usage reste exceptionnel, les magistrats privilégiant des “mesures alternatives aux poursuites” comme des rappels à la loi», rappelle l’AFP.
Soulager les forces de l’ordre
Pour lutter contre cette «dépénalisation de fait», depuis le 16 juin, quatre villes françaises (Rennes, Reims, Créteil et Boissy-Saint-Léger) testent l’amende forfaitaire de 200 euros pour les personnes reconnues coupables de consommation de drogue.
Suffisant pour endiguer le phénomène? Rien n’est moins sûr. D’après les signataires, «la légalisation permettrait de soulager les forces de police de plus de 120.000 interpellations par an pour simple usage et de plus d’un million d’heures de travail des forces de l’ordre […]».
«Le coût de la répression par l’appareil policier et judiciaire est estimé entre 550 et 700 millions d’euros par an», détaillent-ils.
Dans un contexte de crise économique, «la légalisation permettrait en effet de faire rentrer chaque année dans les caisses de l’État entre 2 et 2,8 milliards d’euros et elle créerait entre 30.000 et 80.000 emplois, notamment dans le secteur agricole.»
Création d’emplois
Si les signataires de cette tribune souhaitent «cesser de faire de la consommation de cannabis un problème judiciaire et un problème médical sans voir la banalisation du produit, la diversité de ses consommateurs, son ancrage dans la société et ses multiples usages», il n’empêche qu’elle comporte des effets négatifs.
Une substance à ne pas banaliser
En octobre 2019, Emmanuel Macron s’est déclaré contre «la légalisation du cannabis ou des usages non encadrés», car il n’a «jamais vu d’études robustes montrant que cela n’avait pas d’effets sur la vigilance, en particulier des plus jeunes». Drogues info service alerte également sur le fait qu’une «consommation régulière précoce peut freiner le développement cérébral si la prise a débuté avant l’âge de 15 ans».
«À long terme, les performances intellectuelles peuvent être altérées: troubles de l’attention, du temps de réaction, de la mémoire à court terme et de la faculté à prendre des décisions.»
Autant d’arguments en défaveur d’une légalisation. En attendant, les signataires plaident pour «dépénaliser comme l’ont fait la plupart de nos voisins européens», ce qui serait, selon eux, «sans doute un signe fort et responsable vis-à-vis des millions de Français qui consomment et en ont assez qu’on ne les considère que comme des malades ou des délinquants.»