C’est une défaite importante pour le Canada sur la scène internationale. Le 17 juin dernier, le Canada a appris qu’il avait été évincé dans le scrutin visant à attribuer un siège au Conseil de sécurité de l’Onu.
«Le Canada souhaitait se faire élire au Conseil de sécurité des Nations unies afin de travailler avec le monde entier pour bâtir un avenir meilleur qui profiterait à tous. Un monde qui favorise une paix durable, lutte contre les effets des changements climatiques, renforce le multilatéralisme et fait la promotion de la sécurité économique et de l’avancement de l’égalité des sexes», a-t-il déclaré.
Une déclaration qui représente bien la politique «des beaux discours et du peu d’action» adoptée par Ottawa, souligne Jocelyn Coulon, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal. Ex-journaliste, M. Coulon a été conseiller de Stéphane Dion, ministre canadien des Affaires étrangères, en 2016-2017. Il vient de publier l’ouvrage À quoi sert le Conseil de sécurité des Nations unies? aux Presses de l’Université de Montréal.
«Il y a plusieurs facteurs à l’origine de cet échec. Mais ce qui est certain, c’est que le fait que l’ex-ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, ne se soit pas engagée personnellement et sur une base quotidienne a pu jouer. Ni Justin Trudeau ni Chrystia Freeland n’ont vraiment pris en charge le dossier. […] L’actuel ministre François-Philippe Champagne a frais les frais de cette situation. C’est une humiliation», tranche Jocelyn Coulon au micro de Sputnik.
Dans son bestseller Un selfie avec Justin Trudeau publié en 2018 (Éd. Québec Amérique), Jocelyn Coulon avait déjà mis en garde contre les effets qu’aurait le désintérêt de Trudeau envers la politique étrangère.
Le Canada, victime de son désintérêt?
Le récent échec du Canada résulte de cet abandon diplomatique et de ses mauvaises relations avec plusieurs grandes puissances comme la Chine, la Russie, l’Inde et l’Arabie saoudite, estime le chercheur.
Ni les pressions de dernière minute ni la tournée de Trudeau en Afrique, en février dernier, n’auront suffi à faire tourner le vent.
«Pour la première fois en 75 ans, le Canada est éliminé au premier tour. C’est quand même incroyable. Même les Conservateurs, en 2010, avaient réussi à qualifier le Canada pour un second tour. […] Le ministre Champagne a hérité d’un dossier que le bureau du Premier ministre a mal géré», poursuit l’expert.
Il s’agit en dix ans de la deuxième tentative ratée pour le Canada d’obtenir un siège non permanent au Conseil de sécurité. En 2010, sous le gouvernement conservateur du Premier ministre Stephen Harper, le pays de l’érable avait été battu par le Portugal. Le dernier mandat du Canada au Conseil remonte à 1999-2000.
Beaucoup d’image, peu de gestes concrets
Selon Jocelyn Coulon, la «perte d’identité du Canada sur la scène internationale» explique également la défaite du Canada.
«À l’époque des Premiers ministres Mulroney et Chrétien, le Canada avait une identité forte en matière de paix et de sécurité. Le Canada était une puissance de soft Power. Le Canada avait des projets et des idées qui plaisaient à l’opinion publique internationale. C’est pour ça que le Canada avait gagné aussi massivement son siège en 1988 et en 1998. […] L’identité du Canada est maintenant brouillée. Trudeau devait reconnecter le Canada avec le soft Power, mais il ne l’a pas fait», déplore notre interlocuteur.
Jocelyn Coulon observe que la communauté internationale «a de plus en plus de difficulté à décoder la vision canadienne». De même, le manque d’engagement du Canada sur le terrain n’aurait pas joué en sa faveur auprès des pays électeurs.
«Je ne suis pas du tout surpris du résultat. […] Pour reprendre le titre de mon livre, c’est comme si Justin Trudeau pensait qu’il suffisait de faire un selfie pour faire aimer le Canada. Ce résultat est une sanction envers un pays qui a compté sur l’image, mais pas sur l’action. L’Irlande a 450 militaires engagés dans les opérations de paix alors que le Canada en a 35», a-t-il conclu.