«La génération 2020 sera une génération sacrifiée», s’est inquiété dans un communiqué Jacques Fayolle, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs.
Les mots sont forts, mais lorsque l’on parle aux jeunes qui vont entrer ou sont entrés pendant le confinement sur le marché du travail, on se rend compte qu’ils sont surtout justes. Entre périodes d’essai arrêtées, Contrats à Durée déterminée (CDD) non renouvelés, embauches gelées, intérims précaires, l’angoisse des jeunes Français qui entrent dans la vie active est palpable.
En effet, les conditions du marché du travail étaient déjà compliquées avant la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Pour les 700.000 jeunes qui vont entrer sur le marché de l’emploi à la rentrée prochaine, le manque de visibilité sur leur avenir crée une angoisse permanente.
Moins d’embauches et des conditions de travail plus précaires
Une étude en ligne du magazine L’Étudiant, publiée en mai, indique que plus de 82% des étudiants se déclarent assez inquiets (45,6%) ou très inquiets (37%) pour leur insertion dans la vie active. À raison, car ils seront probablement les premiers à souffrir de la crise économique qui se développe actuellement.
En effet, lorsqu’ils doivent faire des sacrifices, les employeurs ont tendance à licencier les profils les moins expérimentés et ont également tendance à recruter des personnes plus chevronnées lorsqu’ils embauchent. Conscients de cette situation, certains jeunes fraîchement débarqués sur le marché du travail essayent donc de trouver des solutions pour gagner du temps.
«Je vais sûrement enchaîner sur un deuxième master pour éviter le chômage, mais après, on me reprochera d’être surdiplômé», s’inquiète Alexandre, en master de mathématiques à Paris, dans les colonnes du Monde.
Autre exemple, Sébastien [le prénom a été changé, ndlr], un jeune titulaire d’un bac +3 en science politique. Il confie au micro de Sputnik qu’il a choisi de s’engager dans l’armée à la rentrée de septembre: «C’est un bon compromis, car cela élargit pour moi le champ des possibles et cela fait en sorte que je ne devrais pas me confronter immédiatement à un marché du travail complètement saturé.»
Même en cas d’embauche, une évolution salariale bien plus lente
Le nombre d’offres d’emploi destinées aux jeunes diplômés a chuté de 69% au mois d’avril, par rapport à la même période de l’année précédente, indiquent les chiffres de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Toujours en avril, le chômage des moins de 25 ans a augmenté de 29%. Dans des secteurs généralement friands de jeunes diplômés, comme l’ingénierie, le conseil et gestion des entreprises ou l’informatique, l’offre a chuté en moyenne de 70%.
Pour ces «juniors», les difficultés ne s’arrêtent pas à l’embauche. En effet, pour les plus chanceux d’entre eux qui pourront décrocher un contrat, si précaire soit-il, la perspective d’évolution salariale sera plus compliquée. Là aussi, les conséquences économiques du Covid-19 ont obéré l’avenir des jeunes, comme l’explique au Monde l’économiste Yannick L’Horty, directeur de recherche au CNRS:
«La négociation sera plus ardue, dans un contexte de marché où des files d’attente vont se développer. Un tel début de carrière a un effet durable sur la trajectoire salariale: le rattrapage sur le salaire –pour un écart pouvant aller de 10 à 30 points de pourcentage en période de crise– peut alors prendre plusieurs dizaines d’années.»
Face à cette situation, le gouvernement entend mettre les bouchées doubles. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a indiqué ce 15 juin dans la matinale de France info que «l’emploi des jeunes qui rentrent sur le marché du travail est notre première préoccupation.»
De fait, un plan global devrait être présenté avant l’été, avec des mesures facilitant l’apprentissage et l’accès à l’emploi pour les jeunes. Gabriel Attal, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, espère que les entreprises se prêteront au jeu, tant au niveau de la formation qu’au niveau de l’emploi:
«Elles ont une responsabilité absolue pour préserver la dynamique. Elles ne peuvent pas se mobiliser pour la jeunesse uniquement quand tout va bien.»
Néanmoins, il n’aura pas échappé au jeune Secrétaire d’État que les entreprises répondent avant tout à une logique économique et qu’en conséquence, leur marge de manœuvre reste limitée, notamment pour les PME. Il faudra donc des gestes forts pour montrer aux entreprises et aux jeunes demandeurs d’emplois, voire de formations, que l’État les accompagne dans ces moments difficiles.