À Paris, les «oubliés du plan tourisme» envoient un SOS au gouvernement - vidéos

Deux semaines après leur première apparition dans les rues de la capitale, les «oubliés du plan tourisme du gouvernement» reviennent à Paris. Ce mercredi, Sputnik a suivi deux actions de protestation: celle des autocaristes et celle du Collectif des précaires de l’hôtellerie-restauration et événementiel.
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Annoncé il y a presque un mois pour faire face à la crise du coronavirus, le plan Marshall de près de 1,5 milliard d’euros promis par le gouvernement au tourisme et érigé en «priorité nationale», fait des orphelins.

Manif au Trocadéro: les vacataires de la restauration craignent «des centaines de milliers de morts sociales»
Plusieurs corps de métier et domaines d’activité du secteur, représentant au total 7,2% du PIB (soit 168 milliards d’euros en 2017) et employant environ deux millions de personnes estiment être les «oubliés» des aides étatiques et multiplient des actions pour se faire entende.

Dans le monde post-Covid, pas de job pour les précaires de la restauration

On mesure pleinement la crise qui frappe le secteur du tourisme français si on traverse le Carrousel du Louvre, qui grouille habituellement du monde. Le Musée du Louvre reste encore fermé et aujourd’hui, seules les statues antiques accueillent un passant errant par hasard dans les espaces souterrains, déserts et obscurs. Ensoleillée, mais tout aussi vide, la place de la Concorde à Paris a été ce matin le théâtre d’une action des vacataires de la restauration, qui réclament l’aide de l’État pour la gestion de la crise post-coronavirus.

​2,2 millions d’intermittents de l’emploi, qui travaillent de façon directe et indirecte dans la restauration et l’événementiel, inscrits au chômage en catégorie B et C, se disent «laissés en marge de la société». Au micro de Sputnik, Ahcène, activiste du Collectif des Précaires de l’Hôtellerie-Restauration et Événementiel (CPHRE) assure que «le gouvernement n’a mis en place aucune mesure d’urgence pour ces personnes qui participent à l’économie».

«On est des sous-citoyens. Sur les 18 milliards mis sur la table dans le cadre du plan tourisme, il n’y a pas un centime pour nous. Depuis plus de deux mois, on est en train de crier pour se faire entendre par le gouvernement et le Président Macron. Nous ne recueillons que du déni et du mépris de la part des autorités publiques», s’insurge le leader du CPHRE.

Un décor parisien classique est planté pour l’action des vacataires: d’un côté, l’Assemblée nationale, où l’on fait appel aux intermittents «pour assurer des services comme hôtesses, agents de sécurité, cuisiniers, livreurs, fleuristes», de l’autre, le luxueux palace du Crillon, avec ses banquets, soirées privées et autres séminaires, également assurés par des vacataires. Sur cette scène majestueuse, le soutien vient aujourd’hui des intermittents du spectacle: Samuel Churin, comédien engagé auprès du collectif Coordination des Intermittents et Précaires (CIP), prête sa verve enflammée aux manifestants.

«Nous, intermittents du spectacle, avons la chance d’avoir nos droits [au chômage, ndlr] prolongés jusqu’au 31 aout 2021. Pourtant, il existe un décret où, sur la même page, on écrit que les chômeurs de la catégorie B et C sont prolongés jusqu’au 31 mai 2020. Là, c’est la mort sociale: plus de travail ni d’assurance chômage», se révolte Samuel Churin.

La situation ne semble ni juste ni équilibrée pour l’acteur, qui rappelle que la récente tribune dans Le Monde «concernait et les intermittents du spectacle et les extras». Il pointe du doigt une situation où «on sauve 120.000 intermittents du spectacle et on laisse crever 2,2 millions de vacataires.» Samuel Churin enfonce le clou:

«Emmanuel Macron a menti quand il a dit “je ne vais oublier personne”. Le chômage partiel n’a pas très bien marché pour les intermittents du spectacle et pour les intermittents de l’emploi, il n’a pas marché du tout.»

Ce matin, également et deux semaines après la première action des autocaristes sur la place de l’Étoile, les cars touristiques font leur retour dans les rues de la capitale.

Les autocaristes toujours «en survie»

Ils étaient une dizaine le 25 mai dernier, et par un prompt renfort, ils sont une cinquantaine aujourd’hui, se déployant du Champ-de-Mars jusqu’à Bercy.

«On a voulu respecter les Parisiens, assure Khalid Braija, gérant d’une PME de transport de passagers, au micro de Sputnik. Si on mettait mille autocars, comme on l’avait prévu, ce serait le bordel à Paris. Ce n’est pas le but.»

«Le but est d’ouvrir le dialogue avec les pouvoirs publics pour qu’ils viennent nous voir et prennent nos revendications en considération, réclame Khalid Braija. Actuellement, on est en survie. Dans quelques jours, on peut mourir.»

La réponse du ministère, pourtant sollicité à l’initiative des transporteurs touristiques, se fait attendre. «On les remercie pour leur accueil chaleureux, mais on n’a toujours pas de retour», ironise Khalid Braija.

«Comme on est dans le flou total, on ne sait pas si nous devons garder ou licencier nos salariés», se plaint le patron d’une PME.

L’incompréhension règne également du côté des employés, avec leur destin en sursis.

Abdel, au volant de son bus depuis vingt ans, rappelle que la filière «apporte à l’économie française pas mal d’argent qui vient de l’extérieur, des touristes étrangers, non celui qui vient des impôts ou des amendes.»

«Je ne comprends pas pourquoi on n’est pas reconnus, déclare Abdel à Sputnik. Moi, autant que mes autres collègues d’autres PME, je suis dans de réelles difficultés. C’est la descente aux enfers. Il n’y a rien. Quand un car ne bouge pas du dépôt, pas un centime ne rentre dans les caisses.»

Les autocaristes déplorent de ne pas être concrètement mentionnés dans le plan Marshall pour le tourisme. Le chauffeur Abdel estime que pour les 50 millions d’euros d’aides annoncées pour le transport routier de voyageurs, les intéressés sont «trop nombreux». «Tenir un parc [d’autocars, ndlr] demande beaucoup d’argent. Même quand on ne roule pas, on dépense de l’argent pour le contrôle technique ou l’éthylotest, le chronotachygraphe, on dépend d’échéances, de calendriers», détaille Abdel.

«Le gouvernement ne nous entend pas. On n’a rien obtenu, sinon on ne serait pas sortis [dans la rue, ndlr] aujourd’hui. Dans les médias, on entend même parler des gars qui vendent des sandwiches, pas des autocaristes. On est qui?» s’insurge le chauffeur.

Khalid Braija, gérant d’une PME de transport, garde les pieds sur terre et expose au micro de Sputnik les demandes concrètes des 120.000 salariés, rémunérés par 4.000 entreprises pour une période «zéro bénéfice» en perspective: le chômage partiel jusqu’à la reprise d’activité en 2021 et le report des crédits sans intérêts.

«On envoie un SOS au gouvernement, il faut qu’ils répondent», conclut Khalid Braija.
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