Covid-19 au Cameroun: les marchés, cimetières des mesures barrières

Spontanés pour la plupart, les marchés du Cameroun sont de véritables foyers de propagation du Covid-19. Dans ces espaces où règne une promiscuité sans pareille, le respect des règles d'hygiène n'est pas la chose la mieux partagée. Les mesures barrières y sont foulées aux pieds et les messages de sensibilisation peinent à passer.
Sputnik

Sous un ciel clément en cette matinée du lundi 25 mai, le marché Mokolo, l’un des plus grands de la capitale Yaoundé, baigne dans une ambiance des jours ordinaires, loin des craintes et inquiétudes qui hantent les autorités sanitaires. Malgré l’explosion de la pandémie, commerçants et acheteurs se marchent littéralement dessus et ce, sans le moindre état d’âme.

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Sur les trottoirs et dans les allées du marché, marchandises, vendeurs et tas d’immondices offrent un décor effroyable. Au rayon des vivres frais, une dizaine de femmes s’arrachent avec enthousiasme les potentiels clients de passage, usant de techniques oratoires et même tactiles. Ici, pas de masques pour beaucoup et la distanciation sociale n’est qu’une vaine prescription. Madeleine, quinquagénaire et vendeuse dans cet espace, a bien entendu parler des mesures barrières et dit les respecter lorsque c’est possible.

«J’ai porté le masque au début, quand  tout le monde avait peur du coronavirus. Maintenant, j’en porte quand je prends le taxi. Au marché, c’est difficile de rester avec car il est étouffant», confie-t-elle à Sputnik.

Comme elle, plusieurs commerçants dans cet espace marchand ne portent pas de masques et ne se soucient guère des mesures barrières. Seuls quelques rares usagers masqués viennent rappeler, dans cette insouciance collective, que le pays est bien en pleine crise sanitaire. À l’autre bout de la ville, au marché du Mfoundi, le décor est quasi similaire. Difficile de s’imaginer être à Yaoundé, l’un des principaux foyers de la pandémie au Cameroun: Promiscuité, insalubrité, désinvolture règnent, une ambiance propice à l’épanouissement du virus.

Alain Kouopui, gérant d’une boutique, n’a de cesse d’alerter ses voisins sur les risques de contamination. Sans pour autant les sortir de l’indifférence qui les caractérise.

«Quand vous arrivez au marché, vous avez l’impression que le coronavirus n’existe pas. Les gens font ce qu’ils veulent. Je passe mon temps à leur rappeler que la maladie tue encore tous les jours», lance-t-il l’air dépité à Sputnik.

Une sensibilisation vaine?

Le cas de Yaoundé est loin d’être isolé. Dans toutes les principales villes du pays, ces lieux représentent de véritables foyers de la propagation de la maladie. Spontanés pour la plupart, du fait de leur disposition, ils foulent au pied les mesures barrières. Toutefois, face à la montée de la pandémie, le gouvernement camerounais a lancé fin avril une campagne de désinfection des marchés.

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Les opérations ont démarré par Yaoundé et Douala, les deux principales métropoles du pays et les plus touchées. Une mesure qui s’ajoute aux précédentes prises par les autorités pour freiner la propagation de la pandémie au Cameroun. Dans certains marchés, les vendeurs s’organisent néanmoins pour faire entendre raison à leurs confrères. Alice Maguedjio est la présidente du syndicat des commerçants détaillants du Wouri. Avec ses équipes, elle a entrepris de lancer régulièrement des opérations de sensibilisation.

«Nous sensibilisons les commerçants pour qu’ils s'arriment déjà aux mesures édictées par le gouvernement camerounais car beaucoup n'écoutent pas forcément la radio ni ne regardent la télé. Nous nous sommes mis en réseau avec les chefs de blocs et de couloirs des marchés et nous essayons de passer des messages de sensibilisation. Nous avons également créé des groupes sur WhatsApp pour partager les informations liées à la pandémie», explique-t-elle à Sputnik.

Malgré les appels à la vigilance, le relâchement constaté dans le respect des mesures barrières n’est pas seulement l’apanage des marchés du Cameroun.

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En effet, le 30 avril dernier, Paul Biya a décidé, par la voix de son Premier ministre Joseph Dion Ngute, d’assouplir pour des raisons économiques les mesures de restriction prises dans le cadre de la lutte contre l’épidémie du Covid-19 au Cameroun. Parmi elles, l’autorisation pour les lieux de loisirs de rester ouverts au-delà de 18h a sonné pour beaucoup comme la fin de la pandémie. Depuis, de nombreux Camerounais ont renoué avec leurs anciennes habitudes, faisant exploser le nombre de contaminations. Le pays compte désormais plus de 5.000 cas testés positifs.

Pourtant, dans son discours à la nation le 19 mai à la télévision nationale, Paul Biya réitérait  la nécessité de l’observance des gestes barrières visant à limiter la propagation de la pandémie. Le chef de l’État a également demandé aux «Camerounais de faire confiance aux pouvoirs publics» car, dit-il, le gouvernement est «pleinement conscient de la gravité de la situation et est prêt à prendre toutes les mesures nécessaires». Une prise de parole qui intervient plus de deux mois après la détection du premier cas de coronavirus au Cameroun.

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