Agnès Buzyn réaffirme sa candidature à la mairie de Paris. Ira-t-elle au bout de la «mascarade»?

Après la parenthèse de l’épidémie de Covid-19, le cas Agnès Buzyn revient hanter le camp de la majorité: elle s’est réaffirmée, ce 26 mai, candidate à la mairie de Paris. Pourtant, la course municipale condense à elle seule toutes les contradictions de La République en marche et toutes les polémiques autour de la gestion de la crise sanitaire.
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«Je suis bien candidate au 2e tour. Avec mon total engagement.»

C’est avec force, sinon avec conviction, qu’Agnès Buzyn a réaffirmé ce 26 mai, à ses colistiers, sa volonté de conduire la liste LREM aux municipales de Paris. Un ton qui tranche avec son silence gêné depuis l’interview accordée au Monde, le 17 mars dernier, dans laquelle elle expliquait:

«Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu.»

De fait, les larmes de la ministre lors de la passation de pouvoir le 17 février avec son successeur à la Santé, Olivier Véran, faisaient écho à celles que décrivaient ce même article du 17 mars, largement repris et dévastateur pour la crédibilité de la candidate, après l’épreuve du premier tour des municipales. «Elle pleure», constatait alors le quotidien du soir.

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Et pourtant, le cauchemar continue pour l’ex-ministre, candidate à la mairie de Paris. L’équipe de campagne de l’ex-ministre de la Santé controversée retrouve le même champ de ruines qu’au lendemain d’un premier tour des municipales, maintenu le 15 mars dernier en dépit de la vague annoncée du coronavirus.

Mais Agnès Buzyn serre les dents. «J’ai mûrement réfléchi à la manière dont je pouvais mener cette campagne dans des circonstances exceptionnelles, politiques et personnelles. J’ai beaucoup travaillé sur le dispositif pour nous permettre d’y aller la tête haute, tenir, trouver les ressources en moi», a-t-elle encore déclaré. La candidate a en outre assuré qu’elle aurait «l’occasion de s’expliquer sur les attaques» contre elle après ses déclarations au Monde.

Signe du désarroi de LREM à Paris, coincé avec une candidate embarrassante dans un entre-deux tours à rallonge, une réunion de l’équipe devait avoir lieu ce 26 mai, avant d’être annulée. L’occasion pour l’ex-ministre de la Santé et hématologue de sortir de son silence et de tenter de relancer une campagne à vrai dire moribonde.

Plombée par ses confessions dans Le Monde

Selon plusieurs médias habilités à citer des bruits de couloirs sans donner leurs sources, Agnès Buzyn hésitait à se lancer dans un combat perdu d’avance. Les candidats marcheurs aux différentes mairies d’arrondissements parisiens auraient été prévenus tard la veille d’une annulation qui n’a même pas été accompagnée d’une explication. Elle sera remplacée au pied levé par une visioconférence durant laquelle l’ex-ministre a donc tenté de rassurer ses troupes.

«Agnès Buzyn est tiraillée entre l’orgueil et la volonté de jeter l’éponge. Elle est en train de se rendre compte que n’importe quelle personne sensée s’épargnerait ce supplice», explique-t-on à LREM, selon une source anonyme citée par Le Parisien.
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Mais il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’orgueil. Selon ses fameuses confessions, explosives et sidérantes, faites au quotidien Le Monde, Agnès Buzyn se vivrait plutôt comme une victime sacrificielle. Elle aurait été poussée malgré elle, selon certains médias, par Emmanuel Macron à monter au front en urgence, suite au désastre de Benjamin Griveaux et de ses messages pour le moins grivois.

Ses propos avaient provoqué un tollé quand elle avait qualifié dans les colonnes du quotidien vespéral le scrutin de «mascarade», face au «tsunami» de l’épidémie qui s’annonçait. Plus inquiétant pour l’exécutif, Agnès Buzyn avait aussi affirmé avoir alerté Emmanuel Macron sur le risque lié à l’épidémie du nouveau coronavirus dès le 11 janvier et plaidé en mars pour le report du scrutin.

«Depuis le début, je ne pensais qu’à une seule chose: au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. La dernière semaine a été un cauchemar. J’avais peur à chaque meeting.»

Aussi, les confidences d’Agnès Buzyn, gravées dans les mémoires, obèrent-elles sérieusement les chances de la candidate. De plus, médecin au parcours impressionnant, ex-belle fille de Simone Veil et épouse d’Yves Lévy, directeur de l’INSERM, elle n’était jamais passée jusque-là par la sanction du suffrage universel.

La peur du suffrage universel pour une ministre jamais élue

Un temps, elle avait été sollicitée pour prendre la tête de liste aux élections européennes de 2019. Mais Agnès Buzyn avait préféré se soustraire à une campagne qui s’annonçait sans doute «violente» comme le rappelait alors Le Figaro. Cette fois, en bon petit soldat, l’ex-ministre s’est mise dans une situation cornélienne. Doit-elle se résoudre, au mieux, à endosser le rôle d’une figurante dans la campagne municipale de Paris? Au pire, son retour sur le devant de la scène pourrait raviver la polémique sur son rôle, ou son silence solidaire du gouvernement, en amont de la crise sanitaire.

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«Il y a trois problèmes dans cette élection à Paris: LREM, Buzyn et Macron», assène une conseillère de Paris, en jugeant que le Président a désavoué le bilan de l’ancienne ministre via les annonces du «Ségur de la santé». Conséquence: les soutiens d’Agnès Buzyn se font hésitants et les militants sont en proie au doute. Une première réunion n’avait pas pu permettre de confirmer que la candidate allait repartir à l’assaut de la mairie de Paris.

«Agnès Buzyn a dit à tout le monde que chacun pouvait faire sa campagne dans son arrondissement et qu’elle comprenait si certains ne voulaient pas mettre sa photo sur les affiches», ont relaté plusieurs participants à cette réunion, cités par l’AFP.

À la fin, «je ne savais pas si elle était candidate», expliquait une participante désorientée. Seules les inébranlables voix de LREM semblent persister à soutenir l’ex-ministre de la Santé. «Il faut qu’on soutienne notre candidate, c’est une grande femme», a martelé le 24 mai Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. «Elle a eu le courage de remplacer Benjamin Griveaux dans des circonstances difficiles», a-t-il encore avancé.

Pourtant confronté à de nouvelles défections de députés –signe d’une crise toujours plus ouverte dans la majorité présidentielle–, Stanislas Guerini, patron du groupe LREM à l’Assemblée nationale, est également venu au secours de la candidate. «Agnès Buzyn est déterminée et nous sommes déterminés à porter ensemble un projet pour Paris», a-t-il affirmé le 25 mai.

Pour autant, comment, dans ces conditions, envisager une campagne de second tour? D’autant que pendant le confinement, alors qu’Agnès Buzyn avait disparu de la circulation, ses deux rivales arrivées en tête au premier tour, Anne Hidalgo et Rachida Dati, ont occupé le terrain. La maire sortante de Paris a su montrer qu’elle était aux commandes, martelant notamment sa politique pro-vélos et anti-voitures. Et, au terme d’une campagne réussie, Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement, s’est posée en opposante significative à la maire socialiste.

Dans un tel contexte, la question se pose: Agnès Buzyn va-t-elle tenir jusqu’au bout et endosser une défaite qui s’annonce cuisante?

 

 

 

 

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