Le correspondant de Sputnik est arrivé vers 22h30, alors que les premières rixes venaient d'éclater. Argenteuil (95) est la quatrième ville la plus peuplée d’Île-de-France et son quartier du Val d’Argent Nord est un labyrinthe de béton. Un groupe d’une cinquantaine d’émeutiers, armé de bâtons, y attendait déjà la police. Casqués, derrière leurs boucliers, les forces de l’ordre n’ont pas tardé à réagir, elles aussi en nombre: «beaucoup plus qu’à Villeneuve-la-Garenne», selon le reporter de Sputnik. Nombreux donc, de part et d’autre.
Guerre de positions dans les rues d’Argenteuil
La première confrontation a duré dix minutes, autour de La Dalle d’Argenteuil. Il était «étonnant» que la bataille n’ait pas été plus violente. Selon notre correspondant, il s’agissait davantage d’une confrontation que d’une émeute. La Brigade Anti-Criminalité (BAC) est intervenue, mais la police, selon notre journaliste sur place, ne semble pas avoir cherché le contact. Ripostant aux tirs de mortiers d’artifice, elle a opté pour des tirs de grenades de désencerclement et de LBD (lanceurs de balles de défense). Le reporter de Sputnik n’a d’ailleurs pas constaté d’interpellation, un point qui reste toutefois à confirmer. Les affrontements s’éteindront après minuit.
On ne sait rien, ou presque de l’accident à l’origine de ce nouvel épisode de guérilla urbaine. Un nouveau drame a eu lieu dimanche 17 mai, moins de 24h après un rodéo sauvage sur le périphérique entre Paris et Saint-Denis qui a gravement blessé un policier. Cette fois, c’est un jeune de 18 ans, Sabri, qui est décédé vers 2h du matin après avoir heurté un poteau, alors qu’il roulait sans casque sur une motocross.
La famille accuse une voiture de la BAC, qui aurait «croisé» le chemin de Sabri, mais les précisions manquent. Selon une source policière citée par l’AFP, le véhicule de police ne présenterait «aucun impact» et devrait être expertisé à la demande du parquet de Pontoise. Dans la journée du 18 mai, ce dernier a écarté une course poursuite entre les fonctionnaires de police et la moto.
Motocross: un engin capricieux
Les rodéos sauvages sont devenus une habitude: chaque été, leur bruit strident trouble les quartiers. Évidemment, le drame d’Argenteuil rappelle furieusement celui de Villeneuve-la-Garenne, qui a mis le feu aux poudres le 18 avril dernier. Le délinquant multirécidiviste qui roulait lui aussi sans casque avait percuté une voiture de police banalisée. Accident irresponsable ou ouverture délibérée de la portière? Les quartiers sensibles n’ont voulu croire qu’à la deuxième hypothèse. Depuis, une nouvelle vidéo a accrédité la défense des policiers: «elle montre clairement que leur véhicule était bien à l’arrêt et que le motard est arrivé très vite en changeant de trajectoire», a affirmé Catherine Denis, procureur de Nanterre.
Après l’interdiction des rodéos, celle des feux d’artifice?
L’irresponsabilité des motards se double de celle des émeutiers, armés de mortiers d’artifice. Un «jouet» à la dangerosité pourtant indéniable. On les dit «plus dangereux qu’un lanceur de balle de défense», selon Philippe Poupeau, directeur de la police municipale d’Evry-Courcouronnes, cité par Le Parisien. Malgré les effets pyrotechniques qui peuvent amuser, ces tubes ont pour les flics une autre réalité:
«J’ai vu des impacts de tir de mortier sur des gilets pare-balles, c’est impressionnant», avait confié à Sputnik Laurent-Franck Liénard, avocat pénaliste, qui défend régulièrement des agents de police.
Au point d’impact, un trou de 2 à 3 cm de diamètre, «comme à l’emporte-pièce.» Le policier n’aurait sans doute pas survécu si le projectile l’avait atteint au visage: «on peut considérer que tirer des feux d’artifice c’est festif, mais c’est extrêmement dangereux.» Et l’avocat de prévenir: «on va finir par tuer des gens qui n’ont pas mérité ça…»