Vous connaissez les «drives» McDonald’s? Ce mode de consommation de la multinationale américaine permet de commander et recevoir sa nourriture sans avoir à descendre de sa voiture. Imaginez un instant ce même principe, mais au lieu de recevoir un hamburger et des frites qualité McDonald’s, vous repartez avec un panier de fruits et légumes issus d’une agriculture biologique et respectueuse de l’environnement.
C’est l’essence de l’initiative prise par une trentaine de producteurs de Haute-Loire, qui, à cause de la crise du coronavirus, n’ont pas pu organiser la traditionnelle foire bio de Langeac. Une initiative qui semble en appeler d’autres, car l’une des surprenantes conséquences de la pandémie de Covid-19 paraît être l’avènement de la consommation de produits issus de l’agriculture biologique, qui plus est, en circuit court.
«Dans ma région, tous les producteurs bio qui font de la vente directe sont dévalisés», explique à l’AFP Philippe Henry, président de l’Agence Bio, et agriculteur dans une ferme de Lorraine qui réalise de la vente directe de pommes de terre.
Même son de cloche chez Claire, gérante, avec son conjoint Jérôme, du «Potager des Gâtines rouges» à qui Sputnik France a tendu son micro: «le nombre de clients depuis le début du confinement a quadruplé.»
Des consommateurs plus concernés par leur santé
«Certains des producteurs –qui sont dans cette démarche de production bio- avec qui j’échange régulièrement me disent qu’ils ont une clientèle beaucoup plus importante qu’avant le Covid-19», indique-t-il micro de Sputnik. Prudent, il redoute tout de même «que ça ne redevienne comme avant» une fois que la crise sera finie.
Une crainte balayée du revers de la main par Daniel Ducrocq, directeur des services à la distribution chez Nielsen, société internationale de mesure et d’analyse des données des consommateurs et des marchés à travers le monde. Celui-ci estime au micro de l’AFP que «la crise sanitaire que nous traversons va remettre un fort focus sur les produits santé, comme on le constate déjà dans l’opinion publique en Asie.»
Mais comment expliquer qu’un peu partout en France, la vente directe de produits agricoles semble être en nette augmentation depuis le début de la crise sanitaire? Si le confinement «restreint considérablement la capacité […] à procéder aux audits sur site», selon un communiqué d’Ecocert, «leader mondial de la certification en agriculture biologique», les consommateurs font désormais plus attention à leur santé. Et cela passe évidemment par leur alimentation.
«Cela n’a rien à voir avec le Covid, je vous l’accorde, mais les gens ont besoin d’être rassurés sur leur santé», explique à l’AFP Guillaume Riou, président de la Fédération nationale des agriculteurs bio (FNAB).
«Les gens ont le sentiment […] que cette tendance infectieuse de l’emballage, du rayonnage, de la proximité avec d’autres clients, agit moins» dans les points de vente directe, poursuit-il.
Impression confirmée à Sputnik France par Philippe, propriétaire de la ferme des Gâtines rouges, qui explique que les consommateurs sont conscients que plus de gens manipulent les produits en grande surface, et donc que le risque d’attraper le Covid-19 y est plus élevé.
Une progression du bio géographiquement inégale
«Le recentrage sur le commerce en ligne ou de proximité, où le poids du bio est structurellement plus important, joue mécaniquement en faveur de la croissance de ces produits», souligne pour l’AFP Antoine Lecoq, consultant pour le cabinet Nielsen.
Fin mars déjà, ce même cabinet indiquait que l’agriculture bio connaissait «dans le Nord et le Nord-Ouest, ainsi que dans l’Est et le Sud-Ouest», une nette augmentation par rapport à l’année précédente. Seule exception: Paris. Dans la capitale, la vente de produits issus de l’agriculture bio n’a que peu ou pas progressé.
Si les grandes surfaces sont loin de disparaître, en particulier dans les agglomérations importantes, de nombreux producteurs bio se réjouissent du fait que cette crise sanitaire ait pu pérenniser des changements en termes de modes de consommation, plus favorables à une agriculture écoresponsable. Si bien que certains d’entre eux se prennent à rêver, en France, à une agriculture tout-bio à moyen terme.