Covid-19: une surmortalité en Belgique et en France?

En Europe, le taux de létalité varie en fonction des pays. La Belgique, qui se voit propulsée à la première place, déplore pourtant moins de morts que la France. Ces chiffres diffèrent en raison du mode de calcul de chaque État, qui relève du «jeu politique», selon le docteur Yvon Le Flohic.
Sputnik

L’épidémie de Covid-19 touche presque tous les pays du monde avec plus de trois millions de contaminés, mais l’Europe est devenue l’un des foyers qui recense le plus de cas, avec 1.112.667 malades au 30 avril. Cependant, le nombre de morts diffère selon les États et les chiffres communiqués posent des interrogations. Si l’Italie (27.682 morts), l’Espagne (24.275), le Royaume-Uni (26.097) ou encore la France (24.087) caracolent en tête de classement, c’est la Belgique qui possède le taux de létalité le plus élevé alors que le pays recense «seulement» 7.500 morts.

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Un constat inquiétant au vu de la population, qui s’explique d’abord par un simple calcul: le nombre de morts par 100.000 habitants. Devant l’Espagne (52), l’Italie (46) ou la France (36), la Belgique se place en tête avec 65 morts pour 100.000 habitants, d’après le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Nos voisins d’outre-Quiévrain feraient-il face une surmortalité? Plusieurs facteurs causent ces disparités, «notamment le système de comptage très variable en fonction des pays», déclare le Dr Yvon le Flohic au micro de Sputnik.

«Dans une épidémie, le chiffre le plus fiable est le nombre de décès parce que le recours aux soins ou à l’hôpital et à la réanimation va dépendre vraiment d’éléments variables selon les territoires. Donc le nombre de décès, c’est ce qui va être le plus fiable mais l’important, c’est de voir comment on les compte.»

En effet, chaque pays va ou ne va pas prendre en compte certains critères. Pour le cas belge, il semblerait qu’une «surévaluation» du nombre de morts serait la cause principale à cette première place, comme le rapporte Le Monde. À l’opposé de certains États, la Belgique comptabilise tous les décès, tant au niveau de la localisation que les morts dites «suspectes» –pas obligatoirement testées–, entraînant ainsi une potentielle surévaluation.

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À l’inverse, le cas français ferait plutôt face à une sous-évaluation, puisque MG France, un syndicat de médecins, estime à 9.000 les décès dits «à domicile» liés au virus. Un chiffre qui, additionné aux morts comptabilisés en milieu hospitalier et en EPHAD, augmenterait les décès à plus de 30.000, plaçant l’Hexagone au-dessus de l’Italie ou de l’Espagne. Ces derniers comptent depuis le début les décès qui se sont produits aussi hors de l’hôpital, mais «uniquement lorsque le test revient positif», ajoute le généraliste.

Le Royaume-Uni, lui, a vu son bilan s’alourdir depuis que le pays comptabilise les morts en maison de retraite. Conséquence: plus de 26.000 décès à déplorer, soit le deuxième bilan le plus lourd, après l’Italie. Plusieurs critères expliquent donc ces variations, la structure d’âge en Italie ou les critères économiques et sociaux sont eux aussi à prendre en considération.

«C’est le jeu politique»

Les polémiques enflent et les critiquent fusent dans de nombreux pays, où les gouvernements sont accusés de sous-estimer les véritables chiffres. Au sein de l’Union européenne, pourquoi les États ne se mettent-ils pas tous au diapason quant à la méthode de calcul?

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«On sent bien que chaque gouvernement essaye de valoriser la qualité de sa prise en charge à sa manière, c’est aussi ça le jeu politique. On préfère toujours présenter des chiffres un peu meilleurs», avoue le médecin.

Au milieu de ce jeu politique, comment faire alors face à l’épidémie si on sous-estime la réalité? Comment se donner les moyens, si on ne connaît pas entièrement l’ampleur du problème?

Ce qui est sûr, c’est que l’arrivée de l’épidémie au sein de l’Union a quelque peu ébranlé les relations diplomatiques entre les États membres:

​«On a été assez dédaigneux de la réaction italienne, des choses pas très sympathiques ont été dites par rapport à l’Italie. On a eu tendance à estimer qu’on était forcément meilleurs que les autres, que ce soit les Chinois ou les Italiens. Ceci dit, la réalité de l’épidémie en France est importante et il faut en avoir conscience. Si on veut se faire du mal, on peut regarder les chiffres asiatiques.»

La problématique territoriale

L’épidémiologiste prend l’exemple de Hong Kong ou de Singapour, qui ont su réagir très tôt. Les établissements scolaires ont été fermés dès la fin du mois de janvier, les salariés ont été poussés au télétravail, les gestes barrières et le port du masque ont été respectés. Mais toutes ces mesures n’ont pas permis d’éviter une seconde vague, un scénario redouté en Europe.

«Le manque de moyens a été pointé du doigt en France, mais on n’a pas eu la réactivité des Asiatiques qui étaient prêts depuis le SARS en 2003.»

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«Il faudra vivre avec le virus», les mots d’Édouard Philippe lors de son dernier discours du 28 avril résonne encore pour tous les Français. Bien que le Premier ministre ait pu éclairer certaines zones d’ombre, pour Yvon le Flohic «on a vu avec l’Italie que le virus restait sur les zones d’origine». À partir de là, il va y avoir une vraie problématique territoriale, notamment en Île-de-France qui reste l’un des clusters de l’épidémie.

«Je suis assez confiant pour une partie du territoire, mais plus inquiet pour les zones à fort urbanisme. Il faudra très rapidement adopter des mesures sanitaires si on veut éviter une seconde catastrophe. Tout dépendra de l’équipement en masques et de la capacité à tester en masse, et bien sûr avec la contribution de chacun.»
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