Face à la crise du coronavirus, la question des frontières est-elle un «outil purement politique»?

© AFP 2024 MARIUS BECKERContrôles frontaliers à l’intérieur de l’espace Schengen
Contrôles frontaliers à l’intérieur de l’espace Schengen - Sputnik Afrique
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Alors que s’approche à grands pas le déconfinement annoncé par Emmanuel Macron, la question de l'espace Schengen revient au centre du débat. Doit-on rouvrir les frontières ? Si oui, à qui? Pour répondre à ces questions, Sputnik a interrogé Laurent Alexandre, médecin et essayiste, cofondateur du site Doctissimo.

Depuis que cette date est sortie de la bouche du Président, le 11 mai est certainement la date la plus attendue des Français en 2020. Pourtant, on ne sait que très peu de choses sur ce qu’il se passera vraiment le 11 mai, date du fameux déconfinement.

Le Premier ministre Édouard Phillipe présentera ce plan de déconfinement ce 28 avril, mais de nombreux doutes subsistent quant aux contours de celui-ci. Dans ce flou général, la question de l’ouverture ou la fermeture (partielle ou totale) des frontières fait débat. Pourtant, selon Laurent Alexandre, médecin et fondateur du site Doctissimo, ce débat n’a pas lieu d’être:

frontière entre la Russie et la Biélorussie - Sputnik Afrique
La Russie ferme ses frontières en raison du coronavirus

Dans cette crise, «la question des frontières est un outil purement politique. Quand il y a une crise, il est difficile de ne rien faire. Étant donné que nous n’avons pas de médicaments ou de vaccins, on est obligé de donner des gages politiques. Aller voir le professeur Raoult, parler des frontières, toutes ces actions s’inscrivent dans cette logique.»

Pourtant, de nombreux pays ont à ce jour fermé complètement ou partiellement leurs frontières, en Europe et ailleurs. L’Espagne par exemple a encore aujourd’hui des frontières fermées aux Français. Entre la France et l’Allemagne également, les contrôles aux frontières ont été rétablis.

Fermer les frontières et geler l’activité économique?

«Un geste ridicule» selon Jean-Claude Junker, l’ancien Président de la Commission européenne, «car le virus ne peut pas être arrêté par des douaniers!» À ce stade, une fermeture des frontières aurait des implications énormes au niveau économique, en particulier une fermeture totale. Des centaines de milliers de personnes traversent chaque jour les frontières de la France avec la Suisse, la Belgique et d’autres pays et ont impérativement besoin de le faire.

La ville de Paris lors de la troisième journée de confinement, 19 mars 2020  - Sputnik Afrique
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«Si on veut, face à une épidémie respiratoire, éviter toute contamination, il faut totalement fermer les frontières. Il faut interdire aux travailleurs frontaliers de venir en France, il faut interdire aux parlementaires européens d’aller à Bruxelles, etc. Il faudrait donc arrêter complètement l’activité économique.
Cela se traduirait par des problèmes alimentaires importants, car de nombreux pays ne sont pas auto-suffisants sur ce plan, mais aussi un arrêt total de l’activité en Europe, car aucun produit sur ce continent n’est produit à partir de pièces venant d’un seul pays. Même en Allemagne», s’inquiète Laurent Alexandre.

Il existe néanmoins une zone grise entre la fermeture ou l’ouverture totale des frontières. Des contrôles accrus peuvent être effectués, tout comme des prises de température, qui peuvent permettre de mieux contrôler l’épidémie. Mais pour le spécialiste, à l’intérieur de l’espace Schengen, ces contrôles n’ont pas lieu d’être si des tonnes de marchandises peuvent passer chaque jour ces frontières.

Déconfinement le 11 mai, trop tôt?

Et si l’impératif économique au sein de Schengen est compréhensible et nécessite des frontières ouvertes, qu’en est-il des contacts avec le reste du monde? Là aussi, une fermeture des frontières n’aurait pas de sens, selon Laurent Alexandre.

«Ouvrir ou fermer partiellement les frontières ne va pas changer grand-chose. D’autant que l’Europe est l’épicentre mondial de l’épidémie. De ce fait, il y a statistiquement moins de chances que des étrangers qui arrivent en Europe soient contaminés que d’Européens qui se dirigent vers l’extérieur.» 

Désormais, l’enjeu essentiel est de savoir comment concilier les impératifs économiques et sanitaires. Un exercice épineux auquel va devoir se livrer le gouvernement dans les prochaines semaines. Pour Laurent Alexandre, la date n’a que peu d’importance face à une deuxième vague épidémique «quasiment inévitable». Le plus important est donc de limiter le plus possible la réelle tragédie, le nombre de morts.

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«Cette réouverture paraît raisonnable jusqu’à ce que l’on sature de nouveau les réanimations. Même dans l’hypothèse selon laquelle le virus n’est pas cyclique, on va avoir un deuxième pic et le but est de piloter ce pic de manière à ce qu’il ne sature pas les réanimations.
On ne peut pas mettre la France ou les autres pays européens sous cloche pendant cinq ans, il faut que les gens reprennent une activité. Le défi principal sera de lisser les morts dans les mois qui viennent», prévient le médecin.
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