Arrivée en France de la première BD russe sur les répressions staliniennes et la Seconde Guerre mondiale

Populaire en France, la BD l’est beaucoup moins en Russie. Sourvilo d’Olga Lavrentieva renversera-t-elle cette tendance? Son œuvre a connu un grand succès dans son pays. Et sa parution imminente dans l’Hexagone pourrait nous en apprendre davantage sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de ses ravages grâce à un témoignage unique.
Sputnik

À l’approche du 75e anniversaire de la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Sourvilo d’Olga Lavrentieva, première bande dessinée russe qui porte sur ces années noires, va paraître en France.

Olga Lavrentieva est graphiste, membre de l'Union des artistes de Saint-Pétersbourg et auteure de plusieurs bandes dessinées parues en Russie, mais aussi en Finlande, en Suisse, en Norvège, aux États-Unis, en Hongrie et en Pologne. Sa dernière œuvre, Sourvilo, a été traduite en français par Polina Petrouchina, traductrice de romans et de BD, et auteure d’une étude sur l'édition de la BD en Russie.

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Dans son œuvre, Olga Lavrentieva raconte la vie de sa grand-mère Valentina Sourvilo: son enfance heureuse à Leningrad, l'arrestation de son père en 1937 lors des répressions staliniennes, son exil dans un village isolé, la mort de sa mère, puis son retour à Leningrad, sa ville chérie.

Vient ensuite la période la plus importante et la plus sombre de sa vie: le siège de Leningrad lors de la Seconde Guerre mondiale.

Froid, faim persistante, peur épuisante, bombardements, trahison, gestes de gentillesse … Tout cela a laissé une marque indélébile dans la tête et dans le cœur de la jeune fille hantée par les cauchemars et constamment anxieuse pour ses proches, même après la guerre.

Imprégnée de tendresse et de peur, l'histoire tragique d'une femme de Leningrad devient le reflet du sort de millions de personnes de cette époque.

«Cette guerre, sur le front à l’est comme à l’ouest, a été un choc qui a façonné notre monde occidental jusqu’aujourd’hui. […] Sourvilo, à mon sens, est un livre bouleversant parce qu’il n’explique rien, ne démontre rien, ne glorifie personne. Il est aussi simple et profond qu’un récit de vie puisse l’être. Cette vérité historique est très rare, en bande dessinée comme partout ailleurs», confie la traductrice à Sputnik.

Un format inhabituel pour la Russie

Le format choisi pour traiter ce sujet est également sans précèdent en Russie où la BD n’est pas populaire. Elle ne fait pas partie de la culture russe. Mais le pays semble petit à petit connaître un changement à ce niveau, et cette BD peut l’accélérer.

«L’idée selon laquelle la bande dessinée est une simplification de la littérature n’a plus lieu d’être aujourd’hui. D’ailleurs, même en Russie, où la bande dessinée a encore du mal à être prise au sérieux par certains, elle est déjà bien plus qu’un outil didactique. C’est une forme narrative à part entière qui peut se décliner du documentaire à la poésie en passant par l’essai historique», explique Polina Petrouchina.

Le marché de la BD en France

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En France, c’est le contraire. Selon le bilan de l’Institut GfK (pour la recherche sur la consommation), la BD représente 16% des ventes de livres en volume. Elle se distingue aussi par sa pérennité tout au long de l'année avec, de janvier à mi-octobre, un étalement régulier des ventes de 700.000 à un million d'exemplaires par semaine. On trouve donc des bandes dessinées sur n’importe quel sujet, notamment sur la Seconde Guerre mondiale.

«La Seconde Guerre mondiale est racontée en bande dessinée en France et ailleurs en Occident depuis des décennies dans tous les genres: documentaires, comédies, biographies…», souligne la traductrice de Sourvilo qui cite à titre d’exemple Maus de Art Spiegelman, La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert et Moi, René Tardi, Prisonnier de guerre au Stalag IIB de Jacques Tardi.

Des spéculations sur la Seconde Guerre mondiale

Cependant, comme le note Polina Petrouchina, la Seconde Guerre mondiale – la Grande Guerre patriotique pour les Russes – est un sujet populaire, fondateur, fondamental qui devient le terrain de débats idéologiques profonds et d’instrumentalisations politiques. C’est pourquoi les œuvres comme Sourvilo sont d’autant plus précieuses qu’elles sont racontées par des témoins.

«Olga Lavrentieva a recueilli l’histoire de sa grand-mère. Les derniers témoins de l’époque stalinienne et du siège de Leningrad [Saint-Pétersbourg, ndlr] disparaissent du fait de leur grand âge, et l’acte de recueillir fidèlement ce témoignage est une contribution majeure à notre récit collectif», explique Polina Petrouchina.
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