Guérir le Covid-19 à l'aide de médicaments naturels? Ce n'est point l’entourloupe de quelque guérisseur douteux mais bien une démarche entreprise, le plus sérieusement du monde, par l'État burkinabè.
Pour riposter contre la maladie, les autorités burkinabè ont choisi de recourir à toute l’expertise disponible. Cela implique notamment l’association des tradipraticiens à la lutte menée contre le Covid-19. Fin mars, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation Alkassoum Maïga, qui est également le premier vice-président du Comité scientifique de lutte contre le Covid-19, a annoncé la mise en route de deux essais cliniques pour le traitement du Covid-19.
Le premier implique une association de chloroquine et d’azithromycine. Le second concerne l’Apivirine, un médicament produit par un chercheur béninois, le docteur Valentin Agon. Et d’après les autorités burkinabè, les résultats sont plutôt probants.
La médecine naturelle appelée à la rescousse
Administré à des patients infectés par le Covid-19 au Burkina Faso, cet antirétroviral breveté, utilisé depuis 20 ans «contre le VIH/Sida», a permis «l’amélioration de leur état de santé allant de l’amendement rapide des symptômes à la négativation du test de dépistage de coronavirus après traitement», a indiqué le 26 mars face à la presse Alkassoum Maïga.
Dans le cadre de l’essai clinique mené en collaboration avec le Bénin voisin qui enregistre 13 cas confirmés, des gélules d’Apivirine seront administrées pendant deux semaines à 64 malades (cas simples et cas graves), a précisé le ministre.
Par ailleurs, d’autres phytomédicaments devraient également faire l’objet de tests, comme l’a confirmé à Sputnik le pasteur Wendlarima Hermann Sawadogo, chercheur en médecine naturelle, qui les a élaborés.
«Ces tisanes sont produites à partir de plantes et écorces d’arbres disponibles au Burkina Faso et que Dieu a créés. Nous sommes convaincus qu’elles peuvent guérir les personnes infectées. D'ailleurs, ces onze dernières années, Dieu nous a permis de soigner avec nos produits des maladies bien plus graves que le Covid-19», a déclaré le phytothérapeute burkinabè, joint par Sputnik.
Le pasteur Wendlarima Hermann Sawadogo a assuré que ses traitements naturels peuvent apporter la guérison aux patients sur une période d’une semaine à un mois maximum, selon leur état de santé.
Il est en outre persuadé que les tests effectués par le comité scientifique seront probants et que ses produits seront «bientôt administrés à des malades du Covid-19 dans le monde entier».
Dans la twittosphère burkinabè et africaine, ces mesures ont été diversement appréciées, entre ceux qui y voyaient la fierté de cette Afrique qui «avance» et «s’émancipe» et ceux qui appelaient à ne point s’emballer.
Les risques de la phytothérapie
Certains spécialistes, sans remettre en question une possible efficacité des remèdes traditionnels, en particulier contre le Covid-19, attirent plutôt l’attention sur le danger potentiel qu’ils font courir. C’est le cas du Camerounais Bruno Tengang, pneumologue au centre des maladies respiratoires de Douala.
«Dans l'absolu, je ne ferme la porte à aucune opportunité mais je suis un scientifique. Il faut un minimum de preuves d'efficacité avec une étude multicentrique randomisée, en double aveugle. Bref, les protocoles sont connus. Et il faut faire un minimum d'études sur le rapport bénéfices/risques», a déclaré à Sputnik le médecin.
Au Cameroun –et cela est valable partout en Afrique subsaharienne, donc au Burkina– les remèdes traditionnels seraient responsables de plus de la moitié des hospitalisations dans les services de dialyse, assure le docteur Tengang.
«En effet, un nombre non négligeable d’insuffisances rénales terminales et même d’hépatites sont dues à des décoctions dont personne ne connaît ni la composition exacte ni les doses. Il s’agit d’une véritable thérapie du hasard, uniquement basée sur l'argumentaire du traitement naturel. Pour rappel, les champignons vénéneux sont naturels. Tout comme le cyanure provient de plantes naturelles», a prévenu le spécialiste.
Au 31 mars, le bilan des infections confirmées au coronavirus en Afrique de l’Ouest s’élevait à 1.065 et 32 décès, dont respectivement 282 cas et 16 décès pour le Burkina Faso, où la pandémie prospère plus qu’ailleurs.
La crise sanitaire qu’engendre la pandémie au Burkina Faso, déjà fragilisé par le terrorisme, met à rude épreuve un système de santé aux infrastructures vétustes et inquiète les autorités nationales et la communauté internationale.