Il y a deux semaines, lorsque le Président de la République a appelé les Français à rester chez eux pour freiner la propagation du Covid-19, la problématique pour les femmes victimes de violences conjugales s’est posée avec une acuité particulière.
Qu’allaient devenir ces femmes, ainsi que leurs enfants, dorénavant pris au piège au sein de leur foyer toxique?
«Lors de moments de crise, à la fois dans le couple ou dans la vie en général, on sait que les violences conjugales augmentent. Avec le confinement, c’est encore plus grave, car on a une hausse des violences et des situations où les femmes étaient déjà victimes de violences, mais là elles n’ont plus d’échappatoire, elles n’ont nulle part où se réfugier», lance Fatima Benomar, cofondatrice de l’association féministe «Les effronté-es», dans un entretien à Sputnik.
Dans un communiqué du 18 mars, le collectif Collages Féministes appelait le gouvernement à venir en aide à ces femmes. Marlène Schiappa, se voulant rassurante, a rappelé que les tous les dispositifs de protection restaient en place. Mais le risque de voir ces violences exploser était malheureusement prévisible. Le doute a laissé place à la certitude, puisque depuis le 17 mars –premier jour du confinement–, les violences conjugales ont augmenté de «32% en zone gendarmerie» et de 36% dans la zone de la Préfecture de police de Paris, a révélé Christophe Castaner sur France 2, le 26 mars. Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur a annoncé une nouvelle mesure, en association avec l’Ordre national des pharmaciens, pour permettre aux femmes battues d’alerter sur leur situation.
En prétextant une sortie pour des courses, la femme victime pourra se rendre dans la pharmacie la plus proche et ainsi «donner l’alerte», afin que le pharmacien puisse à son tour alerter la police. La possibilité de donner un code «masque 19», comme déjà établi en Espagne, a été discutée dans le cas où le mari ou le conjoint serait présent.
Mais est-ce suffisant? Maintenant que l’annonce a été passée, le conjoint violent ne va-t-il pas d’autant plus se méfier lorsque la femme victime sortira pour des courses, et par conséquent lui interdira toute sortie?
Fatima Benomar estime c’est une bonne mesure de protection en plus, à condition qu’elle soit immédiatement opérationnelle et que la victime se fasse immédiatement entendre. Mais elle insiste surtout sur la nécessité de moyens financiers pour améliorer la lutte contre les violences conjugales.
«Le gouvernement a mis plusieurs milliards sur la table, notamment pour soutenir l’économie, dont seulement deux aux soignants. Et nous les féministes, on en demandé qu’un seul, un milliard contre les violences faites aux femmes et on ne l’a même pas eu», s’insurge la militante féministe au micro de Sputnik.
Ce manque de moyens a d’ores et déjà des conséquences: l’amplitude horaire de l’accueil téléphonique du 3919 –plateforme téléphonique contre les violences faites aux femmes–, est diminuée, passant de 9h à 19h au lieu de 22h auparavant, parce qu’il n’y plus le budget suffisant pour embaucher suffisamment d’écoutants. Fatima Benomar martèle la nécessité d’ajouter ce milliard en se basant sur le système espagnol, qui est un exemple en termes de lutte contre les violences.
«Une recrudescence des violences policières»
La militante féministe insiste également sur la nécessité de mieux former les policiers à la prise en charge des violences conjugales.
«En temps normal, la police a tendance à dénigrer la parole des femmes, à ne pas être formée, à refuser les plaintes, à décourager et à ne pas apporter de crédibilité à une femme si elle n’a pas un œil au beurre noir ou une dent en moins. Donc là, il faut que la police soit vigilante aux appels au secours et il faut que la police se responsabilise: là, on voit une recrudescence, non seulement des violences conjugales, mais aussi des violences policières dans les quartiers populaires.»
Depuis le début du confinement, plusieurs vidéos circulent sur les réseaux, qui semblent montrer des bavures policières et des contrôles disproportionnés à cause de l’absence ou de la non-présentation d’attestations. Fatima Benomar mentionne notamment la vidéo de cette jeune femme «tasée», puis mise au sol de force par un agent de police à Aubervilliers.
«Si un jour cette femme veut porter plainte pour violences conjugales, vous pensez qu’elle aura la confiance qu’il faut en la police?», se demande la militante féministe.
L’association demande à toutes les femmes qui vont porter plainte de faire remonter leurs expériences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, afin d’enquêter sur le comportement que peuvent avoir certains fonctionnaires de police.
Fatima Benomar insiste sur l’importance de bien s’informer sur ses droits en cas de violences conjugales et souligne l’existence de différentes plateformes, par exemple la possibilité de remplir une pré-plainte en ligne, ainsi que différents numéros à appeler en cas de danger. Enfin, durant cette période de confinement, elle suggère aux victimes de profiter de la présence des policiers dans l’espace public pour leur signaler une situation dangereuse. En cette période de confinement, les voisins devraient aussi redoubler de vigilance et ne pas hésiter à signaler tout événement suspect.