Privatisation ADP: «Est-ce que le gouvernement va aller au bout?»

Alors que la réforme des retraites sera adoptée au Parlement à l’aide du 49.3, une autre réforme, la privatisation d’ADP, pourrait bientôt être appliquée car le référendum n’a pas recueilli assez de signatures. Sputnik a interrogé deux soutiens du RIP, l’essayiste Philippe Pascot et l’économiste David Cayla.
Sputnik

L’objectif des 4,7 millions de signatures est raté. Le 4 mars dernier, le Conseil constitutionnel n’a enregistré «que» 1.116.000 soutiens à un référendum d'initiative partagée (RIP) sur la privatisation d'Aéroports de Paris. Neuf mois après le lancement de la procédure, celle-ci se clôturera le 12 mars. Si le nombre atteint est impressionnant, il n’en reste pas moins que la voie semble dégagée, à première vue, pour mettre en place la privatisation de l’entreprise publique prévue dans la loi Pacte, adoptée en mai 2019.

Un «parcours du combattant»

Portée initialement par 248 parlementaires de l’opposition, des Insoumis aux Républicains, la mobilisation du printemps dernier avait pourtant semblé prendre de l’ampleur. Pour Philippe Pascot, figure des Gilets jaunes et auteur de Mensonges d’État (Ed. Max Milo), la difficulté de la procédure de signature sur Internet est le facteur majeur de cet échec:

«Vous rendez-vous compte du parcours du combattant pour faire signer la pétition? Les pétitions n’ont été signées que grâce aux individus. Il n’y a eu aucune aide gouvernementale, aucun spot, aucune facilité. C’est uniquement le peuple qui a signé, c’est tout. Ce sont des gens qui étaient sur les ronds-points, qui se déplaçaient le dimanche […]. Malgré tous les freins qui ont été mis en place, on a quand même réussi à avoir plus d’un million de signatures.»

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David Cayla, économiste à l'université d'Angers et membre des Economistes atterrés, s’est rendu dans la rue, sur les marchés afin de recueillir des signatures. Accompagné de Coralie Delaume, il avait été l’auteur d’une précédente pétition, signée par 336.000 personnes, s’opposant à cette même privatisation. Celui-ci déplore que l’actualité médiatique autour du coronavirus et des retraites ait relégué au second plan cette problématique

«Quand on était sur le terrain, notamment au tout début, on a pu voir que les gens étaient mobilisés, il suffisait d’avoir une affiche, un panneau ‘contre la signature d’ADP’ et les gens venaient spontanément vers nous. Ils avaient entendu parler de cette affaire, ils voulaient apporter leur signature […]. Quand on a recommencé après les vacances, au mois d’octobre, beaucoup de gens avaient oublié. Et maintenant, si on devait faire une table ADP, je pense que très peu sauraient de quoi on parle. Comme il n’y a eu aucun relais médiatique […], le référendum ne pouvait pas fonctionner.»

Les deux soutiens du RIP s’accordent à évoquer l’absence de traitement médiatique sur le sujet, notamment par rapport au Grand débat organisé par le gouvernement. Ils mettent donc en cause le rôle des médias, mais aussi l’affaiblissement des partis politiques. Philippe Pascot n’y va pas par quatre chemins:

«Les partis politiques n’ont pas de c***lles. Ils font de l’esbroufe, ils font tous semblant et derrière, ils ne font rien. On l’a vu avec les frondeurs. Tout le monde gueule dans les partis politiques, mais le système est le même pour tous.»

L’économiste, lui, préfère souligner la déconnexion entre les formations politiques parisiennes et la population française.

«Les partis politiques ne parviennent plus à parler aux gens. C’est ce que je constate. Il n’y a pas eu de véritable investissement des partis sur cette question, y compris de la part de la France insoumise qui a essayé de faire un peu des choses au début […] ? Il y a eu une mobilisation dans les sphères militantes, mais elle n’est pas allée au grand public qui ne s’est pas senti concerné par cette question […]. Ce qui m’inquiète, c’est la difficulté qu’on a à toucher le grand public.»

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Après plus d’un million de signatures dans un contexte de contestation sociale marquée par les Gilets jaunes et la réforme des retraites, le pouvoir aura-t-il toujours la volonté de privatiser ADP? Selon David Cayla, le gouvernement d’Edouard Philippe n’est plus en mesure de mettre en place la réforme, ce qui semble être à un vœu pieux.

«La privatisation est-elle encore légitime? Je rappelle que la loi est passée, elle permet la privatisation d’ADP mais elle n’oblige pas le gouvernement à le privatiser. Après un million de signatures contre la privatisation, après tout ce qui se passe aujourd’hui sur la réforme des retraites, est-ce que le gouvernement va aller au bout? De mon point de vue, ce n’est pas certain. Qu’est-ce qu’il aura à gagner d’un point de vue politique? […]. Il est possible que cette mobilisation ait servi à fermer la fenêtre d’opportunité que le gouvernement avait.»
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