OK Boomer, le mème Internet de la génération Z

Internet et ses innovations de toutes sortes n’ont pas seulement changé notre façon de communiquer, ils ont aussi permis l’émergence d’une culture sui generis, avec ses propres codes. «OK Boomer» est l’un d’eux, qui se répand de manière virale depuis 2019, avec une connotation très générationnelle et une dimension politique inédite.
Sputnik

Un mème Internet est une image –animée ou non– initialement diffusée par Internet sur un support de large diffusion (autrefois les blogues, dorénavant les réseaux sociaux) qui profite de l’instantanéité et du large maillage du réseau des réseaux pour devenir un référent générationnel culte. L’objet du propos est parfois consentant, mais cela est loin d’être la généralité, ce qui peut par ailleurs poser des soucis de notoriété involontaire aux personnes concernées, bien que les animaux soient aussi mis régulièrement à contribution.

Dans le registre du désormais classique, citons pêle-mêle les Chuck Norris facts, What’s Up des 4 Non Blondes, Gangnam Style de Psy, Epic Sax Guy de SunStroke Project, Angry German Kid ou encore San Escobar de Witold Waszczykowski.

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C’est dans ce cadre particulier que l’expression «OK Boomer» s’est imposée ces derniers mois. «OK Boomer» a connu un regain de succès en 2019 –alors que l’expression remonte à dix ans, selon Wikipédia– notamment après que la députée écologiste néo-zélandaise Chlöe Swarbrick a glissé cette répartie au détour d’une allocution en novembre dernier. Elle l’employa afin de répondre à l’intervention d’un autre député tentant de l’interrompre.

Une protestation humoristique, puis politique

Mais à quoi correspond réellement la formule «OK Boomer»? C’est tout à la fois une façon de se distancer de la génération précédente, celle des Baby Boomers (nés après la Seconde Guerre mondiale) et une moquerie à l’égard d’esprits rétrogrades pas forcément nés durant cette période. Le Boomer est caricaturé comme un individu assez âgé, égoïste, à l’esprit petit-bourgeois et méprisant vis-à-vis des centres d’intérêt des nouvelles générations (la Z généralement et parfois la Y). Il s’agit de stéréotyper des attitudes qui peuvent s’étendre à de multiples facettes de la vie sociale, comme la consommation, la lecture, les divertissements, le sport ou la politique. Récemment par exemple, l’intervention de Florent Pagny aux cérémonies des Victoires de la musique 2020 s’est vue ponctuée par d’ironiques «OK Boomer» sur les réseaux sociaux.

Cependant, l’utilisation parodique d’origine –très courante dans la culture geek– a peu à peu dévié vers un emploi politique au fil de ces dernières semaines, au profit des activistes écologistes notamment, afin de pointer du doigt l’insouciance, si ce n’est la culpabilité de la génération Baby Boom dans la crise climatique. L’ingénuité se mêle à l’impatience et à l’imprécation pour former un ton comminatoire, dont la radicalité est le mot d’ordre d’un mème devenu invective. Il s’ancre cependant dans une réalité: la génération du Baby Boom est celle qui est aux commandes politique et économique depuis les années 1970. De façon assez symptomatique, on retrouve des icônes décaties, pour certaines anciennes idoles révolutionnaires embourgeoisées, toujours invitées sur les plateaux de télévision en 2020, démontrant par leur présence une justesse, même partielles, car partiale, des griefs à leur encontre.

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Car si ce mouvement a débordé du lit des espaces de libre expression d’Internet, c’est qu’il a rencontré un écho fondé sur une certaine lassitude de la nouvelle génération, qui s’estime écartée des décisions majeures de son temps. «OK Boomer» traduit le constat d’une césure générationnelle relativement protéiforme et parfois exacerbée.

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Conscient de ce phénomène créé et diffusé aussi largement par la génération Internet –qui commence elle aussi à vieillir– le public ciblé s’est pris d’intérêt pour ce mème.

«OK Boomer» a ainsi été récupéré à son compte par cette même génération stigmatisée pour donner lieu à quelques facéties, y compris en des lieux insoupçonnés comme la Cour suprême des États-Unis où John Roberts s’est complu à ironiser sur la discrimination fondée sur l’âge.

Il y eut aussi quelques «OK Millenials» en guise de contre-attaque sur les forums et réseaux sociaux, que l’on peut qualifier de bonne guerre avec toutes sortes d’arguments, des plus risibles aux plus légitimes.

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Au fond, «OK Boomer» peut être perçu concomitamment comme un constat et un appel à reformer une solidarité générationnelle, où les anciens passeraient le témoin aux plus jeunes dans un respect et une écoute mutuels. Vision idyllique qui ressemble pourtant à celle des sociétés traditionnelles, où la notion de transmission en ses formes variées prend tout son sens : vision bien plus exaltante qu’une société laissant mourir ses vieux en des endroits sordides et faire dépérir à petit feu sa jeunesse en lui imposant un horizon des possibles honteusement rétréci.

Boomers et Millenials gagneraient à méditer l’adage issu de la sagesse populaire: «Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait».

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