Formant une communauté de 750.000 personnes sur une population de 14,5 millions d’individus en Ontario, les francophones de cette province canadienne doivent redoubler d’efforts pour protéger leurs droits.
Une mobilisation historique
Un peu plus d’un an plus tard, le commissariat aux services en français a été rétabli –bien que fusionné au bureau de l’ombudsman [organisme indépendant chargé de représenter les personnes qui jugent leurs droits lésés] de l’Ontario– et après une longue hésitation, il a été annoncé que l’université de l’Ontario français serait finalement créée. Le 22 janvier dernier, les gouvernements fédéral et ontarien se sont entendus pour donner le feu vert à ce projet qui vise à permettre aux francophones d’étudier dans leur langue au niveau universitaire. L’établissement d’enseignement supérieur devrait accueillir ses premiers étudiants à l’automne 2021.
«C’est une revendication de très longue date de la communauté francophone de l’Ontario d’avoir une université gouvernée pour les francophones et par les francophones», s’était félicitée Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophones de l’Ontario en entrevue avec La Presse canadienne.
Pour Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, le gouvernement ontarien témoigne d’un «changement d’attitude positif» à l’égard de cette communauté. Le rôle de M. Jolin a été déterminant dans l’adoption de cette nouvelle orientation par le gouvernement provincial.
«Pour diverses raisons, le taux de satisfaction à l’égard du gouvernement était au plus bas. Il y a eu d’importants changements dans la garde rapprochée du gouvernement provincial. Des conseillers ont été remplacés et un remaniement ministériel a eu lieu. [...] La scène fédérale a aussi contribué à ce changement de ton. Durant la dernière campagne fédérale, les partis fédéraux ne voulaient pas se mettre à dos la communauté francophone, un important bassin d’électeurs. C’est d’ailleurs la région de Toronto qui a permis de faire réélire les Libéraux», analyse Carol Jolin à notre micro.
Malgré cette évolution positive, les Franco-Ontariens ont encore du pain sur la planche. La communauté doit composer avec une pénurie d’enseignants francophones et veiller à ce qu’un nombre minimal d’immigrés parlant français choisissent de continuer leur vie dans cette langue.
«En ce moment, c’est surtout le manque d’enseignants francophones qui nuit à l’essor de la francophonie ontarienne. [...] C’est un grand défi. Les commissions scolaires vont recruter en France et dans d’autres pays étrangers pour trouver des enseignants francophones. [...] On travaille aussi très fort pour revoir à la hausse le pourcentage d’immigrants de langue française accueillis chaque année. Actuellement, environ 2,1% des immigrés parlent français. Notre objectif est d’accueillir 5% d’immigrants francophones pour ne pas perdre notre poids démographique», précise M. Jolin.
«Avant de faire sa déclaration, François Legault connaissait-il même l’existence de ce programme? Il est permis d’en douter. [...] J’espère qu’il a été informé de l’utilité de ce programme pour les gens en situation minoritaire», insiste Carol Jolin.
Loin des prévisions pessimistes annonçant un rapide déclin du français partout au pays, Carol Jolin estime que l’essor économique et démographique de l’Afrique pourrait contribuer à y redynamiser cette langue. Par le fait même, le boom africain représenterait une occasion en or pour les Canadiens francophones.
«Dans la région de Toronto, plusieurs entreprises recherchent des gens capables de s’exprimer dans les deux langues officielles. Pour pouvoir faire des affaires dans plusieurs pays d’Europe et d’Afrique, il est très avantageux de parler français. Les Africains ont déjà commencé à venir ici pour faire des affaires. [...] Les Chinois convoitent déjà les marchés francophones en Afrique. Il y a 200 universités chinoises dans lesquelles on peut apprendre le français. Les Chinois occuperont le terrain que nous laisserons vacant», avertit M. Jolin.
La dernière grande crise impliquant les Franco-Ontariens remontait en 1997, lorsque le gouvernement ontarien avait annoncé qu’il mettait la clé sous la porte de l’Hôpital Montfort. La fermeture de cet hôpital francophone –le seul de la province– avait été annulée à la suite de la mobilisation massive des Franco-Ontariens.