Avocats proches du milieu nationaliste, Guillaume Rousseau et François Coté interviennent régulièrement dans les médias pour défendre le caractère distinct du Québec. Dans leur tout récent livre, Restaurer le français langue officielle (éditions de l’Institut de recherche du Québec), ils proposent de faire du français la première langue de référence dans le domaine juridique au Québec. Ex-conseiller du gouvernement Legault sur la laïcité, Guillaume Rousseau est professeur de droit à l’Université de Sherbrooke et François Côté est chargé de cours, ainsi que doctorant dans cette discipline.
Sputnik France: Vous dénoncez le fait que le français ne soit pas considéré comme la première langue dans le domaine juridique au Québec. Comment expliquer cette situation dans une province où le français est la seule langue officielle?
Sputnik France: En avril 2018, les Barreaux du Québec et de Montréal ont entrepris un recours judiciaire pour contester la validité de toutes les lois québécoises. Selon ces organismes, les lois québécoises n’auraient pas seulement dû être traduites en anglais, mais être directement rédigées dans cette langue. Comment interpréter cela?
G. Rousseau et F. Côté: Le Barreau du Québec est très influencé par le Barreau de Montréal, qui lui-même est très influencé par les avocats anglophones de Montréal. Sur le plan politique, c’est ce qui explique la position très peu modérée prise par le Barreau du Québec dans ce dossier. Sur le plan juridique, ce recours se basait sur un avis juridique de Michel Bastarache, un ancien juge de la Cour suprême du Canada reconnu pour prôner une interprétation très large des droits linguistiques des minorités (ce qui a du sens pour les francophones des provinces canadiennes autres que le Québec, où le français est vulnérable et très minoritaire, mais pas au Québec, où l’anglais est dominant, même s’il est minoritaire). Cette interprétation n’est d’ailleurs plus celle prônée par la Cour suprême aujourd’hui.
Sputnik France: Vous écrivez que la question du français dans le domaine juridique comporte aussi une forte dimension politique. Votre livre est-il aussi politique?
G. Rousseau et F. Côté: Il y a deux ans, avec nos collègues Me Éric Poirier et Nicolas Proulx, nous avons publié un important ouvrage de référence juridique: Le droit linguistique au Québec. Cette fois, nous publions plutôt un bref essai, autant juridique que politique. Donc, oui il s’inscrit dans le contexte politique actuel. Certains spécialistes en sciences démontrent le recul du français, nous –en tant que spécialistes du droit–, nous proposons des solutions: rétablir la primauté de la version française des lois et faire de même pour les jugements (qui ne devraient plus pouvoir être unilingues anglais, comme c’est le cas actuellement). Et notre livre s’inscrit d’autant plus dans le contexte politique actuel qu’il est publié alors que le dépôt d’un projet de loi modifiant la Charte de la langue française est prévu pour le printemps prochain.
Sputnik France: En place depuis octobre 2018, le gouvernement Legault est considéré comme un gouvernement nationaliste. Pourtant, plusieurs personnalités continuent de lui reprocher de négliger le français. En faites-vous partie?
Sputnik France: Dernièrement, un recul du français a aussi été observé dans la fonction publique au Québec. Le français reculerait dans le monde des affaires, les programmes universitaires, l’administration publique et désormais aussi dans le droit. Est-ce surtout dans les hautes sphères que le français est menacé?
G. Rousseau et F. Côté: Tout à fait. Lorsqu’une langue est en déclin, elle ne disparaît pas en une ou deux générations. Généralement, le processus est plus long. Le déclin du français débute par sa marginalisation dans les hautes sphères. Pour notre génération, il est encore possible de faire carrière en français aux plus hauts échelons dans certains domaines, comme l’éducation supérieure et la fonction publique québécoise. Mais il n’est vraiment pas certain que cela sera possible pour la génération de nos enfants, surtout en ce qui concerne les universités.