Contre les multinationales qui pratiquent «l’esclavage alimentaire»

Thierry Nyamen, promoteur NTFoods.
Patron de NTFoods, entreprise spécialisée dans la transformation des produits locaux et la production de céréales infantiles, Thierry Nyamen veut imposer le made in Cameroon dans les habitudes de consommation quotidienne. Cet entrepreneur milite pour que le label camerounais soit source de valeur ajoutée et d’emplois. Portrait.
Sputnik

De vendeur à la criée à patron de NTFoods, une entreprise spécialisée dans la transformation des produits agricoles locaux à Yaoundé, Thierry Nyamen a fait un pas de géant. Promoteur de la marque Tanty, cet entrepreneur de 50 ans né à Makenene, dans la région du centre du pays, se positionne comme le défenseur du made in Cameroon.

Contre les multinationales qui pratiquent «l’esclavage alimentaire»
Contre les multinationales qui pratiquent «l’esclavage alimentaire»

En 20 ans d’existence, son entreprise a développé plusieurs gammes.

«Tanty, c’est la valorisation des produits locaux à travers quatre gammes variées», confie-t-il au micro de Sputnik.

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La production est diversifiée autour de la gamme bouillie (pour les céréales infantiles), les produits à grignoter (caramels, croquettes, arachides enrobées, beignets soufflés), les ingrédients culinaires (chapelure, farine de soja, huile d’arachide première pression en froid). Le dernier-né est un supplément nutritionnel, la gamme «Nutri». Ces produits ainsi transformés proviennet de matières premières issues des plantations du Cameroun. Il s’agit du maïs, du plantain, de la noix de coco, du soja, de l’arachide, de la patate et des fruits…

Avec sa marque, Thierry Nyamen veut s’imposer dans l’industrie agroalimentaire, bien loin devant les multinationales qui au Cameroun dominent le marché.

« Je veux m’opposer à ces multinationales qui continuent l’esclavage alimentaire. Je veux être le défenseur du made in Cameroon», ambitionne-t-il.

Créée en 1999, NTFoods, qui emploie régulièrement plus de 65 personnes, joue sa partition sur un marché hautement concurrentiel. Tanty, sa principale marque, est visible dans plus de 1.500 points de vente, des boutiques, des pharmacies et des supermarchés. Son produit phare, qui constitue à près de 80 % son chiffre d’affaires, reste les céréales infantiles au soja.

Contre les multinationales qui pratiquent «l’esclavage alimentaire»

Le parcours d’un entrepreneur atypique

Success story aujourd’hui, le parcours de cet entrepreneur militant n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Après l’obtention de son baccalauréat scientifique en 1989 au lycée classique de Bafoussam à l’ouest du pays, le jeune homme a bénéficié d’une bourse d’études du gouvernement camerounais et s’est envolé pour l’Ukraine où il a intégré l’université technique d’État agricole de Kharkov. Il en est sorti docteur en technique de mécanisation agricole et major de sa promotion. Pour sa thèse, il a conçu une machine permettant de transformer l’arachide en poudre et en huile.

De retour au pays natal en 1999, le jeune diplômé a dû faire face à la dure réalité du chômage. Malgré sa détermination à décrocher un CDI, Thierry Nyamen en est sorti frustré à chaque tentative. C’est ainsi que lui est venue l’idée de se mettre à son propre compte.

«Ce projet est né à la suite d’une déception. Après 750 demandes d’emploi qui n’ont pas abouti, après avoir vu ma valeur sous-estimée, j’ai eu une rancune positive qui m’a donné l’idée de lancer un projet. C’est ainsi que je me suis fixé l’objectif de trouver des solutions au problème de la malnutrition au pays pour plus tard lancer ma propre boîte», se souvient l’entrepreneur.

Le chercheur d’emploi éconduit a décidé de faire découvrir aux Camerounais sa poudre d’arachide, qui permet de faire préparer rapidement les sauces, en promenant son porte-tout dans les artères du marché central de Yaoundé. 

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«Puis je me suis rendu compte que les femmes n’aimaient pas beaucoup faire de la sauce avec ma poudre. J’ai constaté qu’elles l’utilisaient plutôt pour enrichir la bouillie. J’ai alors décidé de fabriquer la bouillie. Les Européens font de la bouillie avec le blé et moi, j’ai choisi le maïs. J’ai aussi utilisé le soja pour l’enrichir davantage», dit-il, pragmatique.

Dans la foulée, Thierry Nyamen crée NTFoods non seulement pour transformer les produits agricoles locaux, mais aussi pour rivaliser avec les multinationales en faisant la promotion du made in Cameroon. Depuis, l’entrepreneur, par ailleurs enseignant en création d’entreprise et management de projet dans plusieurs universités privées du Cameroun, et consultant pour la francophonie en matière d’entrepreneuriat, s’emploie à montrer à ses compatriotes le bien-fondé de la consommation des produits faits localement.

Contre les multinationales qui pratiquent «l’esclavage alimentaire»
«Il faut développer le sursaut patriotique afin qu’on fasse comme dans les autres pays où on érige au rang de priorité les produits locaux. Je pense que si l’amour pour la patrie prime et qu’on décide de nous départir de l’esclavage alimentaire soutenu par les multinationales, les choses peuvent changer», estime-t-il.
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Même si les mentalités montrent de petits signes de changements, il y a lieu, selon Thierry Nyamen, d’insister pour faire passer le message en mettant en exergue les enjeux liés à la priorisation des produits locaux dans les habitudes de consommation.

«Nous sommes dans une guerre économique, les colonisateurs se sont employés à massacrer nos cerveaux à travers des systèmes  éducatifs qui dénigrent des tendances africaines. En outre, ils ont choisi un certain nombre d’intellectuels qui se chargent de défendre leurs intérêts sur le plan local. En effet, il est inadmissible que dans un ministère on fasse la promotion de la transformation du bois et qu’a contrario, cette même institution commande des meubles venant d’ailleurs», regrette l’ambassadeur du made in Cameroon.

Thierry Nyamen est devenu un héros dans son domaine. Couronné de multiple récompenses – 1er prix du chef de l’État dans le cadre du Salon de création de l’entreprise en 2003, meilleurs produits nutritionnels en 2007, Oscar du produit alimentaire en 2007, étoile d’or du marketing et de la communication en 2008, prix de la meilleure structure de transformation des produits agricoles en 2011 – l’entrepreneur veut, avec NTFoods, être leader dans le secteur agroalimentaire en Afrique centrale d’ici à 2025.

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