«L’Afrique est créancière du reste du monde!» - ancien ambassadeur français

L’Afrique surendettée, et pourtant l’Afrique créancière du monde, selon Pierre Jacquemot, économiste et ancien ambassadeur de France. Un paradoxe qui se résout avec un simple constat: celui de la fuite des capitaux illicites, au montant faramineux, contre lequel une approche juridique et économique est recommandée.
Sputnik

Les flux de capitaux illicites qui quittent chaque année l’Afrique vers le reste du monde surclassent l’argent injecté dans le continent, a estimé jeudi 14 novembre l’économiste et ambassadeur français Pierre Jacquemot.

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L’ancien diplomate s’exprimait à l’occasion du panel d’ouverture du forum Medays, également connu sous le nom du Forum du Sud, qui a lieu chaque mois de novembre depuis 12 ans à Tanger, au Maroc, et réunit plus d’une centaine de personnalités. Cette douzième édition se tient, cette année, sur le thème «Crise globale de confiance: faire face aux incertitudes et à la subversion». «Il y a une très forte évasion fiscale, les chiffres l’estiment entre 50 et 150 milliards [de dollars] par an», a précisé Pierre Jacquemot.

«Cela signifie une chose, c’est que l’Afrique, loin d’être débitrice, est peut-être créancière du reste du monde! Si on tient compte de ces sorties massives de capitaux se faisant par différents mécanismes, le continent pourrait être dans une position créancière vis-à-vis du reste de la planète. C’est-à-dire que le reste du monde resterait toujours redevable vis-à-vis de l‘Afrique», a insisté l’ancien diplomate français.

Pierre Jacquemot intervenait dans le panel d’ouverture du forum autour du thème «Zone de libre-échange continentale: un marché africain ou des marchés africains?». À l’occasion de son exposé, il a évoqué la question du financement, manifestement insuffisant, des Objectifs de développements durables (ODD) et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

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En faisant une estimation du déficit du financement du développement, Pierre Jacquemot relevait, en effet, que le modèle d’accumulation du capital de l’Afrique (pouvant atteindre près de 500 milliards de dollars) était insuffisant pour réaliser les ODD et cheminer vers l’agenda 2063, dont les coûts sont estimés au double.

Pour pallier ces difficultés, l’auteur d’un Dictionnaire encyclopédique du développement durable (éd. Sciences humaines-2018) appelle à une approche à la fois juridique et économique.

«D’un point de vue juridique, cette situation n’est pas normale et appelle un certain nombre de mesures pour lutter contre l’évasion illégale de capitaux. Mais ça passe, également, par des mesures d’amélioration des milieux d’affaires africains. À ce moment seulement, les capitaux trouveront un intérêt à rester en Afrique et à trouver des investissements rentables», a-t-il déclaré au micro de Sputnik à l’issue du panel.

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Ce n’est pas la première fois que le rapport entre la dette de l’Afrique et la fuite de ses capitaux vers l’étranger est établi. En 2013, un rapport conjoint de la Banque africaine de développement (BAD) et de Global Financial Integrity, une ONG américaine, s’alarmait de ce que «l’hémorragie illicite des ressources de l’Afrique représente près de quatre fois sa dette extérieure».

La dette africaine n’a cessé d’évoluer de façon effrénée, ces dernières années, au point d’atteindre, en 2017, près de 57% du PIB du continent. Le rapport 2019 de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) mentionne d’ailleurs:

«L’encours de la dette extérieure publique de l’Afrique s’est élevé en moyenne à environ 309 milliards de dollars pendant la période 2000-2006, puis à 707 milliards de dollars en 2017, soit une augmentation de 15,5 % par rapport à la seule année 2016.»

En 1996, une initiative a été lancée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) pour alléger la dette des pays pauvres très endettés (PPTE). Toutefois, nombre d’entre eux ont vu leur dette se reconstituer, ce qui pourrait augurer d’«une nouvelle crise en gestation en Afrique subsaharienne», la conjoncture économique mondiale aidant.

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