Un diplomate français indique la raison de la chute du nombre de visas pour les Tunisiens

«Tant que le retour de ses ressortissants clandestins paraîtra aux autorités tunisiennes une question non prioritaire, le taux de refus de visa continuera d’être à ces niveaux historiques», a affirmé Laurent Caizergues, conseiller consulaire pour la zone Tunisie-Libye.
Sputnik

Dans une déclaration au site d’information Tunis Webdo, Laurent Caizergues, conseiller consulaire pour la zone Tunisie-Libye, affirme que le doublement en 2019 des refus des demandes de visa pour la France des citoyens tunisiens découle «d’une relation tendue entre la Tunisie et la France». Il indique que la situation des Tunisiens qui résident en France de manière illégale est la raison de ce désaccord entre les deux pays.

«Le taux de refus de visa à des citoyens tunisiens a plus que doublé en 2019 par rapport à 2018, passant de 11,5% à plus de 25%», affirme le diplomate.

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Évoquant les raisons de cette situation entre Tunis et Paris, M.Caizergues explique qu’«en effet, l’une traîne dans la remise de laissez-passer consulaires nécessaires à la reconduite de ses ressortissants présents en situation irrégulière sur le territoire Français». «Quant à l’autre, elle riposte en appliquant des contrôles renforcés des dossiers avec des délais de traitement allongés, ce qui aboutit à un taux de refus que la Tunisie ne connaissait pas auparavant», ajoute-t-il.

Pour le responsable, «tant que le retour de ses ressortissants clandestins paraîtra aux autorités tunisiennes une question non prioritaire, le taux de refus de visa continuera d’être à ces niveaux historiques».

Impact sur les relations bilatérales

Laurent Caizergues regrette le fait que «cette levée de bouclier côté français est un frein pour les échanges entre nos deux pays». «De son côté, l’État tunisien doit respecter ses engagements dans l’intérêt de ses citoyens en facilitant le rapatriement de ses immigrés en situation irrégulière qui ne sont pas des réfugiés, car la situation du pays est heureusement bien loin de celle de la Libye, de la Syrie ou du Yémen», fait-il savoir.

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Cette question des visas est récurrente entre les pays du Maghreb et les pays membres de l’Union européenne. En effet, en Tunisie, des experts économiques montent souvent au créneau pour dénoncer le déséquilibre dans l’application de l’accord d’association conclu en 1995 avec l’UE qui n’a respecté que le volet commercial, négligeant ainsi la question de la circulation des personnes, sachant que la France est le premier partenaire économique de la Tunisie.

Bilan de l’accord en Tunisie

Dans une contribution publiée en janvier 2018 sur le site d’information Web Manager Center, Messaoud Romdhani, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), a dressé le bilan des 10 années de l’accord d’association avec l’UE mis en application en 2008.

L’expert y met l’accent sur la nécessité «d’une évaluation indépendante et approfondie, commandée par l’État tunisien, sur les conséquences pour les Tunisiens de l’Accord d’association avec l’UE». «Et ce par rapport aux objectifs qu’il s’était fixé, en termes de conséquences pour les droits économiques, sociaux et environnementaux, et en prenant en compte les inégalités sociales et territoriales», ajoute-t-il.

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Le spécialiste rappelle que depuis le début de la mise en œuvre de l’accord d’association Tunisie-UE «l’équivalent du salaire de 60.000 professeurs a été perdu à cause de la baisse des droits de douane, soit 2,4% du PIB ou 1/10e du revenu de l’État. Cette baisse de revenus a été compensée par des hausses d’impôts que les Tunisiens ont directement ressenties», précise-t-il.

«55% du tissu industriel tunisien a été perdu entre 1996 et 2013», et le «chômage n’a pas diminué, au contraire il a explosé pour les jeunes diplômés; l’économie tunisienne s’est en effet spécialisée dans des activités à faible valeur ajoutée», explique-t-il.

Par ailleurs, il ajoute que dans le cadre de cet accord «la croissance de l’économie [tunisienne, ndlr] n’a pas dépassé le plafond des 5%» et qu’il n’y a pas eu d’impact «significatif sur les exportations vers l’UE». Au contraire, l’application de cet accord «a significativement augmenté les importations, entraînant une forte dégradation de la balance commerciale», indique-t-il, ajoutant que «les investissements étrangers se sont concentrés sur le littoral, aggravant les inégalités territoriales, sous un régime offshore permettant de rapatrier les bénéfices en Europe».

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Dans le même sens, dans un entretien accordé au site d’information Mediapart, Mustapha Jouili, économiste tunisien, qualifie de «colonialiste» l’Accord de libre-échange complet et approfondi que l’Union européenne et la Tunisie s’apprêtaient à signer. Pour lui, rien qu’à voir les dispositions de cet accord en matière de propriété intellectuelle, d’investissement et de législation, il est possible de s’en convaincre.

L’Algérie dans la même situation

L’Accord de libre-échange avec l’Union européenne qui entrera en vigueur en 2020 sera «un désastre pour l’économie nationale» algérienne, a déclaré Ali Bey Nasri, président de l’Association nationale des exportateurs algériens, lors d’un passage sur la Radio nationale.

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«L’accord avec l’UE n’est pas en faveur de l’Algérie, dont l’économie n’a pas encore réussi à sortir de la dépendance des hydrocarbures», a-t-il expliqué.

M.Nasri a expliqué que «ce qui est catastrophique pour l’économie nationale», c’est que le pays a importé entre 2005 et 2017 pour 283 milliards de dollars des 28 pays de l’Union européenne, mais n’a exporté que pour 12 milliards de dollars de dérivés du pétrole, soit 4,2%.

À ce fort déséquilibre s’ajoute le fait que dans «les accords d’association avec l’UE qui comprennent 110 clauses», l’UE «n’a respecté que le volet commercial, tandis que la partie relative à la coopération et au transfert de la technologie et à la circulation des personnes, a été négligée», a pointé Ali Bey Nasri.
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