Il est des alliés visiblement plus utiles que d’autres. Alors que sous la pression de la Turquie, l’un de ses partenaires de l’Otan, l’administration américaine a lâché –une fois de plus– les Kurdes, celle-ci a renouvelé sa confiance dans les Casques blancs. Ces médiatiques secouristes aux liens étroits avec Al-Qaeda*, ont en effet reçu un coup de pouce financier de 4,5 millions de dollars (4 millions d’euros). Un montant toutefois bien inférieur aux dons des années précédentes, recul des djihadistes oblige?
«Hier, le Président Donald Trump a autorisé l’octroi d’une aide de 4,5 millions de dollars à la Défense civile syrienne [les Casques blancs, ndlr] pour que les États-Unis continuent de soutenir le travail important et très apprécié de l’organisation dans ce pays», a affirmé Stephanie Grisham, porte-parole de la Maison-Blanche, dans un communiqué.
Une aide américaine qui est loin d’être une première. En effet, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) n’a jamais caché son soutien aux Casques blancs et en juin 2018 le département d’État américain leur allouait, ainsi qu’au mécanisme onusien en Syrie, une enveloppe 6,6 millions de dollars (5,9 millions d’euros). Rappelons que jusqu’à cette date, l’USAID avait prodigué depuis 2013 pas moins de 33 millions de dollars (29,6 millions d’euros) d’aide financière aux fameux Casques blancs.
Toutefois, si l’administration américaine s’avère être un régulier donateur auprès de ces sulfureux secouristes, qui auraient sauvé 115.000 vies, mais dont «personne n’a entendu parler» sur le terrain, à en croire certains témoignages d’habitants des zones libérées, notons toutefois que l’on reste loin des montants déboursés par les autorités britanniques.
En septembre 2016, Boris Johnson, alors à la tête des services diplomatiques de Sa Majesté, ne cachait pas sa «fierté» d’apporter son soutien à ce qui était encore alors largement présenté par nos confrères comme des «héros du quotidien». Cette année-là, les Britanniques injectèrent pas moins de 32 millions de livres sterling (37 millions d’euros), soit la moitié de l’aide perçue par les Casques blancs. La moitié, car aux aides des Anglo-saxons à l’«ONG», s’ajoutent celle d’autres gouvernements de pays membres de l’Otan ou alliés non membres de l’Alliance: Allemagne, Danemark, Japon et Nouvelle-Zélande.
S’ajoutent à ces aides directes divers coups de pouces des Occidentaux aux soutiens et relais de l’insurrection en Syrie. Ainsi, si avant 2016 les Britanniques avaient investi 15 millions de livres sterling (17,3 millions d’euros) dans les Casques blancs depuis 2013, ils en avaient également déboursé 5,3 millions (6,1 millions d’euros) afin de former «300 journalistes et activistes syriens».
«Les projets financés par le Royaume-Uni aident à établir un réseau de médias indépendants à travers la Syrie, dont le travail a notamment consisté à envoyer des messages sur la sécurité des personnes après l’attaque par le régime aux armes chimiques à Ghouta et, plus récemment, des reportages produits par des groupes de la société civile et des groupes similaires aux “Casques blancs” sur des comptes Twitter et Facebook.»
C’est ainsi que, dans les données très officielles, le Foreign and Commonwealth Office justifie ces financements, avant d’inviter à suivre les Casques blancs sur leur fil Twitter et page Facebook. Les origines mêmes des Casques blancs, fondés par un ancien officier britannique, reconverti dans le mercenariat, sont-elles étrangères à cet attachement particulier de Londres?
Dans le premier cas, la fin du siège d’Alep fut un épisode de la guerre syrienne qui a d’ailleurs coïncidé avec le point culminant des aides financières versées par les pays de l’Otan aux Casques blancs. Les images de ces derniers furent très largement reprises par les médias occidentaux, façonnant une vision partiale et donc tronquée de cette bataille. En effet, difficile alors, au vu de la couverture médiatique, de réaliser que la majorité de la deuxième ville syrienne était non seulement restée loyale à Damas, mais que ses habitants étaient soumis depuis 2012 aux attaques, tirs, et exactions des «insurgés» djihadistes.
Une vision tronquée au point de virer parfois à l’hystérie. Du côté du Quai d’Orsay, on versait dans l’outrance: «Alep est à la Syrie ce que Sarajevo était à la Bosnie, ou encore ce que Guernica était à la guerre d’Espagne» déclarera notamment l’ambassadeur de France auprès de l’Onu, fin septembre. Mi-octobre, le ministre des Affaires étrangères de François Hollande, Jean-Marc Ayrault, aux côtés de son homologue britannique Boris Johnson, exhortait l’UE à sanctionner la «Syrie et ses alliés» russe et iranien, et qu’ils soient «renvoyés devant la Cour pénale internationale». La CPI, à laquelle avait fait allusion, une semaine plus tôt, le Président français lors d’une interview à un journaliste de l’émission Quotidien, menaçant au passage son homologue russe.
Il fallait maintenir une pression «forte» sur la Russie afin d’«arrêter le massacre de la population d’Alep», justifiait le chef du Quai d’Orsay. Alep, un «symbole de la civilisation» qui, aux yeux de l’ambassadeur de France auprès de l’Onu, était «l’objet d’un siège de type médiéval». Aucun d’eux, pas plus que les médias occidentaux, n’évoqua le fait que les Casques blancs furent pris à plusieurs reprises la main dans le sac de la désinformation comme nous l'expliquions à l’été 2016 - voire pire par la suite, comme lors de cette exécution sommaire orchestrée par des djihadistes, à laquelle les Casques blancs ont participé, ou qu’ils contribuèrent à assoiffer les 5,5 millions de Damascènes, lors du blocus de l’eau de la capitale syrienne en janvier 2017.
Dans la foulée, les Américains tirent une soixantaine de missiles de croisière contre une base aérienne syrienne d’où seraient partis les avions responsables de l’attaque. En Occident, l’émotion l’emporte, les condamnations et déclarations d’indignation des responsables politiques –souvent belliqueuses– se succèdent. Tant et si bien qu’une semaine plus tard, dans la nuit du 13 au 14 avril, Washington, Londres, suivi par Paris, mène des frappes contre trois sites de «l’arsenal chimique clandestin du régime syrien», claironnera notamment l’Élysée. Trois sites qui, en réalité, étaient sous surveillance régulière de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques), laquelle n’avait rien trouvé à y redire.
Une semaine plus tard, la presse britannique, cherchant les victimes de la fameuse attaque chimique, fait tomber le masque: il s’agissait d’une mise en scène réalisée par les terroristes de Jaich-al-Islam (l’armée de l’Islam) dans une clinique souterraine, avec le concours des Casques blancs, qui avaient diffusé les images sur les réseaux sociaux. Les difficultés respiratoires, assimilé aux effets du gaz sarin, avaient en réalité été provoquées par les poussières soulevées par des bombardements et une tempête de sable. Des poussières qui avaient rapidement saturé l’air dans les souterrains et abris.
Fort heureusement, le ridicule ne tue pas. Une maxime qui ne vaut pas seulement pour les journalistes ou décideurs politiques, mais aussi pour les stars hollywoodiennes… qui ne manquent jamais une occasion de prendre parti. En effet, ces dernières apportèrent une importante contribution à la cause des Casques blancs, via une intense campagne médiatique en leur faveur.
Reste donc à savoir, alors que les djihadistes sont globalement défaits en Syrie, pourquoi les États-Unis continuent leur soutien financier –aussi amoindri soit-il– aux Casques blancs?
*Organisation terroriste interdite en Russie