L’élection de Kaïs Saïed au poste de Président la République tunisienne a surpris beaucoup d’observateurs et d’experts qui ne s’attendaient pas à voir un homme inconnu sur la scène politique — et affranchi de tout parti — réussir seul une telle prouesse.
«En tant qu’expert spécialiste de cette région, j’aurais bien aimé en savoir plus», confie-t-il concernant l’imprévisibilité du mouvement social à l’origine de l’élection de Kaïs Saïed. «Mais de l’avis des experts tunisiens eux-mêmes, il est très difficile d’expliquer ce courant qui a traversé la société et qui a abouti à cette élection.»
Cependant, l’expert est sûr d’une chose: «cet évènement est d’une importance extrême, car il atteste du niveau de maturité du système démocratique tunisien». En effet, «tous les citoyens ont pu exprimer leur opinion à travers cette élection, en toute liberté, et l’opposition tunisienne a accepté les résultats du scrutin bien qu’elle ait été battue par un inconnu de la vie politique nationale», insiste-t-il.
L’épineuse tâche de former un gouvernement
«Le problème est que le Président tunisien n’a aucun parti politique qui le soutient au sein de l’Assemblée nationale», souligne-t-il. «Ainsi, l’une des possibilités qui s’offrent à lui est de créer un nouveau mouvement politique, en se basant sur sa popularité, pour faire pression sur les partis qui constituent l’assemblée, afin qu’ils acceptent de former un gouvernement autour de son projet et de lui offrir une majorité confortable», avance le professeur-chercheur.
«Est-ce qu’il va réussir dans cette entreprise, c’est ce que nous verrons bientôt! En tout cas, en tant que spécialiste du droit constitutionnel, il a fait plusieurs propositions pour réformer le mode de fonctionnement du parlement tunisien, ce qui pourrait lui permettre de réussir une telle initiative», poursuit-t-il.
Quel impact sur la situation en Algérie et en Libye?
«Cela va prendre du temps, mais il ne fait aucun doute que le modèle tunisien va avoir des répercussions palpables sur tous les pays de la région», affirme-t-il.
Par ailleurs, le spécialiste souligne que les experts s’accordent à dire que la tendance qui consiste à renforcer les relations avec le monde arabe prend de plus en plus d’ampleur au sein de la classe politique tunisienne, qu’elle soit dirigeante ou non.
« partir de là, nous pouvons dire que la Tunisie souhaite jouer un plus grand rôle dans les questions relatives au monde arabe», indique-t-il, précisant que ce pays d’Afrique du Nord «a une longue histoire dans ce domaine depuis les années 1950». «Les dirigeants et les diplomates tunisiens ont toujours été très habiles dans le désamorçage de conflits ou de différends entre les pays arabes, comme sur la question palestinienne», rappelle-t-il.
Quel avenir pour les relations avec la France et l’UE?
«Les relations entre les pays européens, notamment la France, et la Tunisie sont historiques et importantes. Et personne ne peut les nier ou les remettre en cause d’une façon aussi facile et radicale», prévient le spécialiste, qui précise que «les deux parties ont des intérêts économiques communs et qu’il y a, il ne faut pas l’oublier, des dizaines de milliers de Tunisiens immigrés en France, en Italie, en Espagne et dans d’autres pays européens».
M.Zinine est convaincu que la réussite tunisienne dans les deux élections, présidentielles et législatives, «aura un impact positif y compris en Europe, et notamment en France, où elle montre un autre visage de la vie politique dans les pays du Maghreb, et contribue ainsi à diminuer la pression islamophobe que subissent les musulmans dans ces pays».