«Il y aura des dizaines de milliers de collègues et le gouvernement, qui sous-estimait notre pouvoir de nuisance, va l’expérimenter… et il faudra qu’il nous écoute!»
Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance, prévoit une journée historique. Une intersyndicale de policiers a appelé à une «marche de la colère» ce 2 octobre à Paris.
D’après les organisateurs, l’événement se veut inédit: la plus grande manifestation de policiers depuis l’appel unitaire de 2001, quand un braqueur récidiviste avait ôté la vie à deux gardiens de la paix au Plessis-Trévise, dans Val-de-Marne.
Que veulent les policiers? D’après le communiqué de l’intersyndicale, leurs revendications s’axent sur cinq points: «l’amélioration de la qualité de vie au travail», «une véritable politique sociale pour les agents du ministère de l’Intérieur», «une réponse pénale réelle, efficace et dissuasive», «la défense des retraites» et une future loi d’orientation et de programmation «ambitieuse».
Depuis le début de l’année, 52 policiers se sont suicidés, selon l’association Femmes des Forces de l’Ordre en Colère. Un décompte macabre que les gardiens de la paix veulent voir stoppé au plus vite. «Il y a un ras-le-bol profond», a expliqué David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-Unsa). D’après lui, «tous les syndicats ont conscience que la police est malade». L’union sacrée des hommes en bleu semble se réaliser: les policiers marcheront ce 2 octobre à Paris tous corps et tous grades confondus. Même le syndicat d’opposition France Police –Policiers en colère s’est joint à la marche.
«Depuis 2001, nous n’avions pas eu d’intersyndicale qui avait véritablement réussi à se mettre en œuvre autour d’un sujet commun, avec un objectif commun. Cette intersyndicale regroupe personnels actifs, administratifs, techniques ou scientifiques. De ce point de vue là, nous avons –au moins sur le papier– réussi quelque chose d’historique.
Du côté de notre organisation, nous nous sommes interrogés sur notre participation à cette intersyndicale. Nous ne cachons pas être très critiques à l’égard des syndicats majoritaires: nous considérons qu’ils portent une part de responsabilité dans la crise actuelle. Reste que nous n’avons pas voulu jouer les diviseurs», déclarait récemment à Sputnik France Michel Thooris, son secrétaire général.
La réforme des retraites inquiète particulièrement les policiers. Ils bénéficient d’un système avantageux, qu’ils ont peur de voir remis en cause par l’universalité voulue par le gouvernement. «Actuellement, les policiers bénéficient d’une bonification spéciale dite “du cinquième” ou “quinquennale”, qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans. Elle est plafonnée à cinq annuités et, pour y être éligible, le fonctionnaire doit avoir exercé 27 ans», explique l’AFP.
Christophe Castaner s’est voulu rassurant en cette journée de mobilisation. «Il y aura une modification de leur régime, comme pour tous les Français, mais il y aura la prise en compte de la dangerosité de leur métier de policier», a-t-il assuré sur France 2, avant d’ajouter:
«Il faut faire la différence entre ceux qui sont dans un métier dangereux et l’ensemble des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur qui ne sont pas confrontés aux mêmes réalités.»
Le locataire de la place Beauvau s’est engagé à défendre «jusqu’au bout la spécificité du statut» des forces de l’ordre. Pour tenter de tuer la fronde dans l’œuf, le ministre de l’Intérieur a avancé la hausse «de plus d’un milliard d’euros» du budget de la Police nationale depuis le début du quinquennat, ainsi que promesse du recrutement de 10.000 policiers et gendarmes supplémentaires sur l’ensemble du mandat. De plus, il a promis un plan d’investissement de 300 millions pour les commissariats. De quoi calmer la colère?
En attendant, le cortège partira vers 12 h 30 de la place de la Bastille pour rejoindre celle de la République. Les organisateurs espèrent au moins 20.000 manifestants.