Fin de la lune de miel entre le Mexique et le Canada? Alors que les deux pays œuvrent depuis longtemps à leur rapprochement, les questions migratoires viennent brouiller la donne et certains Mexicains se voient refuser l’entrée au Canada au dernier moment.
Pourtant, entre la signature en 1994 du premier Accord de libre-échange nord-américain et la suppression, le 1er décembre 2016, du visa canadien pour les ressortissants mexicains, Ottawa et Mexico ne cessent de resserrer leurs liens.
«Le gouvernement du Canada s’est donné parmi ses priorités celle de rétablir et de resserrer ses liens avec l’un de ses plus importants partenaires, le Mexique. […] En éliminant le visa obligatoire, nous resserrerons les liens entre le Canada et le Mexique et nous augmenterons les échanges entre les deux pays, qu’il s’agisse de voyageurs, d’idées ou d’échanges commerciaux» pouvait-on lire dans le communiqué de presse du gouvernement canadien, le 28 juin 2016.
Malgré cet assouplissement des règles, qui en retour a ouvert le marché mexicain au bœuf canadien, la tension semble monter aux frontières aériennes entre les deux pays. En cause, l’immigration illégale vers les États-Unis.
En effet, en juillet dernier, Sputnik avait appris qu’un grand nombre de migrants mexicains se rendaient par avion au Canada dans le but de traverser ensuite illégalement la frontière des États-Unis. Depuis le renforcement de la frontière sud des États-Unis, de plus en plus de migrants mexicains essaient de passer par le Canada pour se rendre au pays de l’Oncle Sam. Une réalité qu’affirme surveiller de près le ministère canadien de l’Immigration, en collaboration avec les autorités américaines.
Le Canada utilisé comme étape par les migrants illégaux
Pour contrer ce phénomène, les autorités canadiennes révoquent un grand nombre de visas électroniques précédemment délivrés à des voyageurs mexicains. Pour obtenir leur Autorisation de voyage électronique (AVE), ce nouveau document virtuel, les demandeurs remplissent un formulaire sur le site du gouvernement canadien. Généralement, ce document leur est fourni en quelques minutes et il demeure très rare qu’il leur soit refusé. En revanche, il est devenu assez fréquent que l’AVE d’un citoyen mexicain soit révoquée dans les heures précédant son vol.
«Trois heures avant le vol, les autorités canadiennes m’ont écrit pour me dire que mon Autorisation de voyage électronique avait été révoquée. Le Canada évoquait des irrégularités dans mon dossier, mais je n’avais aucune idée de ce que j’avais fait de mal. J’ai regardé sur Internet et j’ai lu de nombreux témoignages de Mexicains à qui il était arrivé exactement la même chose. Il commence à courir le bruit au Mexique que les voyages au Canada sont risqués», a relaté à Sputnik un citoyen mexicain ayant préféré garder l’anonymat.
«C’est à l’aéroport même que nous avons été informés que l’Autorisation de voyage de ma copine avait été annulée. Pourtant, mon ex-conjointe n’a aucun dossier criminel et a déjà voyagé dans plusieurs pays comme les États-Unis et l’Allemagne. Nous avons perdu le billet d’avion aller-retour Mexico-Montréal, Montréal-Mexico. Pour le même vol, les conjointes mexicaines de deux autres citoyens canadiens ont aussi été refoulées. Les Mexicains voient le Canada comme un paradis multiculturel, alors ils ne se doutent pas de ce qui peut les attendre», a expliqué M. Simard à notre micro.
Dans un échange avec Sputnik, le ministère de l’Immigration assure pourtant que les autorités doivent avoir des motifs suffisants pour refuser l’entrée à un citoyen mexicain. Le ministère a refusé de fournir des précisions sur le phénomène des Autorisations de voyage électronique révoquées à la dernière minute:
«L’AVE peut être refusée lorsque la personne est jugée interdite de territoire au Canada. Parmi les motifs d’interdiction de territoire possibles, il y a la criminalité et le fait d’avoir fait de fausses déclarations dans sa demande. En outre, certains clients peuvent voir leur demande refusée pour non-conformité, notamment pour ne pas avoir soumis de documents à l’appui», a commenté à Sputnik Rémi Larivière, responsable aux communications de l’Immigration canadienne.
Dans la plupart des cas, les voyageurs mexicains qui se voient refusés de territoire au Canada ne parviennent pas à se faire rembourser leurs billets d’avion et réservations d’hôtel. Bien souvent, ces sommes représentent pour eux des économies considérables, ce qui génère un sentiment d’injustice et de frustration:
«Il faudrait au moins que le Canada nous refuse au départ le visa électronique [l’Autorisation de voyage électronique, ndlr]. Annuler le visa juste avant de prendre l’avion, c’est du vol. Les autorités canadiennes connaissaient la date de mon départ, elles ont eu deux mois pour annuler mon visa, mais ont attendu le dernier jour pour le faire», s’est désolé le citoyen mexicain anonyme.
«Le Mexique est l’un de nos marchés cibles. Ce marché connaît une croissance record depuis la mise en place de l’Autorisation de voyage électronique, le nombre d’arrivées de touristes mexicains pour des séjours d’une nuit ou plus au Canada ayant doublé depuis 2015. Nous ne faisons aucun commentaire sur les politiques ou les lois en matière d’immigration», a répondu à Sputnik Emma Slieker, porte-parole de Destination Canada, le ministère canadien du Tourisme.
Si l’abolition du visa traditionnel a augmenté l’afflux de voyageurs mexicains au Canada, par ailleurs, il a aussi permis aux migrants illégaux de s’y faufiler plus facilement. Les règles sont plus souples, mais les autorités plus sévères, ce qui semble nuire à l’image d’ouverture du Canada au Mexique. Des dommages collatéraux que le Canada n’avait probablement pas anticipés.