Trudeau ennemi ou complice des Chinois? Au Canada, la question divise

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Les libéraux de Trudeau s’entendent-ils bien avec leurs homologues du Parti communiste chinois? À première vue non, mais des informations contredisent ce point de vue. Si les relations entre la Chine et le Canada semblent au point mort, des observateurs crient à l’ingérence chinoise au sein même du Parti libéral… Sputnik fait le point.

La relation entre le Canada et l’Empire du Milieu est au centre de l’attention médiatique au pays de l’érable.

Depuis l’arrestation à Vancouver de la haute dirigeante de Huawei, Meng Whanzou, Pékin et Ottawa sont à couteaux tirés. Après avoir vu se dégrader ses relations avec l’Inde et l’Arabie saoudite, le Canada a récemment décidé de se distancer de la Chine. Une annonce qui est intervenue dans un contexte hyper-tendu, où l’influence chinoise sur le territoire canadien était aussi pointée du doigt.

«La Chine prend des mesures plus fortes qu’avant pour essayer d’imposer sa volonté sur la scène mondiale et des pays occidentaux et des démocraties à travers le monde s’unissent pour signaler que ce n’est pas quelque chose qu’on doit continuer à tolérer», déclarait Justin Trudeau le 22 mai dernier.

Des observateurs canadiens pointent le changement d’attitude de Pékin pour expliquer ce revirement diplomatique. C’est notamment le cas de Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine (2012-2016). Selon lui, Justin Trudeau fait bien de se montrer plus ferme à l’endroit du gouvernement chinois:

«Ce qu’il a dit [le Premier ministre Trudeau à propos des relations Ottawa-Pékin, ndlr], c’était majeur. C’était une reconnaissance de la nouvelle Chine, la Chine plus agressive, plus arrogante. Ça marque une évolution importante. […] Le seul langage que les Chinois comprennent, c’est la fermeté», affirmait le lendemain M. Saint-Jacques en entrevue avec le journal La Presse.

La situation actuelle à Hong Kong a permis à la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, de mettre davantage à l’épreuve la relation de son pays avec la Chine. Il y a une dizaine de jours, Mme Freeland a publié une déclaration commune avec l’Union européenne appelant Pékin à «faire preuve de retenue» dans la crise qui affecte Hong Kong. Sans toutefois nommer explicitement la capitale chinoise, Mme Freeland l’appelle aussi à «s’engager dans un processus de dialogue étendu et inclusif» et à respecter «les libertés fondamentales».

Pékin n’a pas tardé à répliquer aux critiques de Mme Freeland, y voyant une tentative d’ingérence maladroite. Preuve que les propos de la ministre ont déplu à Pékin, elle a été vertement critiquée à la télévision d’État chinoise. Voilà qui ne risque pas d’améliorer la relation déjà très difficile entre les deux pays.

Pékin-Ottawa: des relations au point mort?

Mais paradoxalement, cette nouvelle arrive alors que le Parti libéral du Canada est accusé d’entretenir des liens privilégiés avec le gouvernement chinois. De fait, des observateurs estiment que Pékin pourrait malgré tout avoir intérêt à ce que les libéraux soient reconduits lors des prochaines élections fédérales, qui ont été fixées au 21 octobre prochain. Des soupçons qui contredisent ainsi la perception d’un antagonisme profond entre les libéraux canadiens et Pékin.  

Dans un texte publié dans le célèbre magazine Maclean’s, le journaliste Terry Galvin rappelle que l’ancien ministre libéral, John McCallum, a conseillé la Chine sur les manières de faire réélire les libéraux. Avant de devenir ambassadeur en Chine (2017-2019), McCallum a occupé plusieurs ministères-clés, comme ceux de la Défense et de l’Immigration. Les démarches de John McCallum auprès de Pékin sont considérées par des députés conservateurs comme une véritable atteinte à la souveraineté canadienne.

​Ces soupçons d’ingérence s’expliquent aussi par la posture des conservateurs face à la Chine, qui ont promis de se montrer plus durs envers elle que les libéraux s’ils prenaient le pouvoir. À plusieurs reprises, les conservateurs sont intervenus dans les médias pour dénoncer les actions jugées superficielles du gouvernement Trudeau dans le dossier chinois. Et d’après les sondages, les conservateurs dirigés par Andrew Scheer ont de bonnes chances de l’emporter au prochain scrutin.

«Soit vous continuez à être faible et laissez le gouvernement chinois malmener le Canada ou vous agissez pour défendre les Canadiens et ce qui est juste», déclarait Andrew Scheer en interpellant Trudeau, le 5 juillet 2019.

Les conservateurs ont d’ailleurs demandé au Service canadien du renseignement de sécurité de faire la lumière sur les liens supposés entre le Parti libéral et le gouvernement chinois. En 2013, un rapport publié par les services secrets mettait déjà en garde contre l’influence chinoise dans le monde et au Canada.

​Récemment, une polémique a aussi éclaté après que des militants libéraux aient été vus en train de distribuer des formulaires d’adhésion à leur parti lors d’une marche à Toronto en soutien à Pékin dans la crise hongkongaise. Une nouvelle qui a suscité l’indignation de militants anti-Pékin sur les réseaux sociaux. Malgré les critiques de Freeland à l’égard de la Chine, des observateurs y ont vu une preuve supplémentaire de la complicité du Parti libéral avec le Parti communiste chinois. Un ancien ministre libéral provincial ontarien, Michael Chan, a également été aperçu à la manifestation.

​Il ne faut surtout pas oublier qu’environ 1,8 million de Canadiens sont d’origine chinoise sur une population totale de 37 millions de personnes. À Vancouver, la communauté chinoise représente à elle seule 600.000 personnes. Dans un Canada multiculturel, où les partis se disputent des clientèles électorales à saveur communautaire, il n’est pas impossible que les libéraux cherchent à se racheter auprès de la communauté chinoise. Malgré cette nouvelle Guerre froide entre Pékin et Ottawa, les Sino-Canadiens pourraient faire pencher la balance dans certaines circonscriptions.

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