«La majorité de ce qui a été dit à Biarritz, finalement, était bien connu. On nous parle d’une réflexion de l’OCDE sur la taxe GAFA, ce n’est pas nouveau… cela existe depuis 2011.»
Des déclarations qui ont laissé perplexe une partie de la presse française, notamment face à la réaction de Donald Trump. En effet, le Président américain n’a pas confirmé dans la foulée les propos d’Emmanuel Macron, se contentant de plaisanter sur le fait que son épouse «aimait beaucoup le vin français». Un clin d’œil à l’une des stars des exportations françaises vers les États-Unis, qu’il avait menacé de surtaxer quelques semaines auparavant, en riposte à une surtaxe française que les Américains ont considéré comme discriminatoire à l’égard de leurs entreprises.
Fin juillet, après l’adoption de ladite «taxe GAFA» par l’Assemblée nationale, Donald Trump avait dans un Tweet averti qu’il annoncerait «une action réciproque substantielle sur la stupidité de Macron».
Du côté français, on assure que le Président américain «ne se serait pas gêné» pour exprimer son désaccord s’il y en avait eu un. Donc, en somme, que ce grand flou et l’absence de levée officielle des menaces de Washington sur le vin français serait plutôt bon signe…
«On n’a pas du tout de contrepartie de la part des États-Unis de manière certaine, puisque Donald Trump ne s’est absolument pas engagé sur une suspension ou un arrêt des discussions par rapport à une éventuelle taxation des produits français, notamment dans le secteur vinicole», insiste Maître Thierry Vallat.
L’avocat pointe du doigt une «opération de communication bien préparée» de la présidence française, car si Donald Trump n’a pris aucun engagement, Emmanuel Macron en a pris un. S’adressant tant à la presse qu’à son homologue américain, le Président de la République a promis de restituer le trop-perçu aux entreprises concernées par la «taxe GAFA», une fois son pendant international mis en place et si celui-ci s’avérait plus bas que la taxe française.
«Si j’ai bien compris, cela ne serait pas une taxe sur le chiffre d’affaires, mais une taxe sur le bénéfice, donc qui serait bien évidemment moindre.»
Bref, comment interpréter demain une éventuelle rétribution d’un trop-perçu fiscal à Amazon dans ces conditions? Pour Me Thierry Vallat, à l’heure actuelle, le grand perdant de la taxe GAFA risque bien d’être in fine le consommateur «qui verra ses produits taxés et son pouvoir d’achat amputé.»
«Pour moi, rien n’a avancé» regrette l’avocat qui souligne que la France apparaisse «bien seule» dans ce bras de fer l’opposant aux géants américains du numérique, ainsi qu’à Washington. En effet, l’Allemagne, qui craignait de la part des États-Unis des représailles sur son secteur automobile, avait fait faux bond à la France dans son projet d’appuyer devant la Commission européenne ce projet de taxation à hauteur de 3% du chiffre d’affaires des grandes entreprises du numérique. Face à l’opposition du Luxembourg et de l’Irlande, pays qui abritent les sièges sociaux européens des GAFA –rejoints par le Danemark et la Suède– le projet s’était retrouvé dans l’impasse.
Notons également que par le passé, l’Administration américaine n’avait pas hésité à faciliter le retour des fonds que ses grandes entreprises stockaient dans des paradis fiscaux, en abaissant drastiquement ses taux d’imposition sur les bénéfices rapatriés (différer, indéfiniment, le paiement des impôts sur les bénéfices non rapatriés est légal aux États-Unis). Ainsi, pour Thierry Vallat, s’asseoir à la table des négociations pour renforcer la taxation de ses champions du numérique n’est pas autant dans l’intérêt des Américains que veut bien le dire Emmanuel Macron.
«Ce dont les États-Unis ont peur, c’est que la France fasse des émules et que d’autres pays se mettent également au diapason […] Je n’y crois pas trop, si ça pouvait être fait, ça l’aurait déjà été. Les Allemands sont extrêmement frileux, les autres pays ont reculé également, donc la France est seule.»
Rappelant par ailleurs le poids des lobbys aux États-Unis et que pour les GAFA, «le statu quo est préférable à toute autre alternative», l’«immobilisme» a pour Me Thierry Vallat, de beaux jours devant lui:
«Est-ce que la volonté de taxation va être plus importante en 2019 pour aboutir à un résultat en 2020 qu’elle ne l’était en 2011 lorsque les discussions ont commencé? Presque 10 ans après, on n’a pas avancé d’un pouce!»