Donald Trump va-t-il encore semer la zizanie au G7? En 2018, au Canada, il avait refusé d’en signer le communiqué final, isolé de ses six autres interlocuteurs, ponctuant le sommet par une volée de tweets cinglants. Le Président américain s’est beaucoup épanché ces derniers temps sur Twitter, de l’achat du Groenland à l’Iran. La belle cité de Biarritz va-t-elle être le théâtre de nouveaux affrontements entre le milliardaire et ses partenaires occidentaux? La porte-parole du gouvernement français, Sibeth N’Diaye, a prévenu qu’il n’y aurait pas de communiqué final à l’issue de ces trois jours de discussions entre les chefs de l’ancien «monde libre». Sputnik a interrogé Gérald Olivier, spécialiste des États-Unis à l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité de L’Europe), auteur de l’ouvrage, Sur la route de la Maison-Blanche… dictionnaire des élections américaines, publié prochainement (Éd. Jean Piccolec).
Retrouvez cet entretien sur notre page YouTube
Le G7 sans la Russie, quel intérêt?
Alors que le G7 débute officiellement ce samedi, se pose ainsi la question de l’intérêt même du sommet informel institué par le président Giscard en 1975. Pour Gérald Olivier, le Président américain n’est absolument pas convaincu par ce format, connaissant son aversion pour le multilatéralisme et les Nations unies:
«Donald Trump ne voit pas l’utilité de ce type de réunions, surtout lui préfère gérer les pays un à un […] Mais ces grandes réunions où les leaders du “monde libre” sont supposés faire et refaire le monde, il n’y voit aucun intérêt, parce qu’ils ne servent pas directement l’intérêt américain, mais ils sont supposés générer une forme d’équilibre mondial.»
«En cette année 2019, le Président Macron a invité Vladimir Poutine à venir lui rendre visite au Fort de Brégançon, juste avant le G7. à l’évidence, c’était pour connaître la position de la Russie sur un certain nombre de points qui vont être évoqués; comme quoi la Russie compte et travailler sans eux, cela ne se fait pas. Donc la première question qui sera inévitablement débattue: est-ce qu’il y aura une proposition pour une réintégration de la Russie? Peut-être. À mon avis, ça se fera en amont et ça sera déclaré après.»
L’achat du Groenland, une idée pas si farfelue
Donald Trump est disruptif, on l’a bien compris. Il arrive toujours à surprendre. Son dernier buzz, qui a enflammé l’Europe entière, c’est sa volonté affichée sur Twitter d’acquérir le Groenland, territoire autonome qui dépend du Danemark. Une nouvelle lubie américaine? Pas tant que ça pour Gérald Olivier. Les États-Unis ont régulièrement étendu leur pays, à travers leur jeune Histoire, par l’achat de terres. On pense à la Louisiane, l’Alaska et la Floride. Mais pourquoi le Groenland? Cela fait depuis de nombreuses années que la Maison-Blanche y réfléchit:
«Le Groenland est un territoire stratégique dans le contexte d’un réchauffement climatique qui perdurerait. […] C’est un territoire qui touche à l’arc polaire, qui n’est plus en été prisonnier des glaces, on peut y circuler, on peut y naviguer. Les routes commerciales sont transformées, le terrain peut être exploré et le Groenland, qui est un territoire gigantesque, le long de cet arc polaire revêt une importance stratégique primordiale […] Au passage, les États-Unis y possèdent déjà une base militaire et une base scientifique. Simplement, ils louent le terrain au Danemark. Que M. Trump souhaite aller plus loin et acquérir le territoire, ça fait partie de ce que font les Présidents. Les États-Unis se sont constitués par l’achat de territoires. [….] Que les États-Unis aient des visées, ça paraît relativement logique dans une vision stratégique.»
Mais en effet, les Danois, si habituellement atlantistes, ne semblent pas avoir été sensibles aux procédés du Président américain pour parvenir à ses fins:
«Après, la façon dont ils vont s’y prendre pour l’obtenir… M. Trump n’est pas connu pour ses manières de diplomate […] il est possible que d’ici quelques décennies, ou plus longtemps le Groenland soit transféré d’une propriété danoise, qui n’a pas vraiment les moyens ou les capacités de le développer, à quelqu’un d’autre.»
America First
Plus de deux années après son entrée en fonction à la Maison-Blanche, Donald Trump s’est montré très actif sur la scène internationale, dénonçant l’accord sur le nucléaire iranien, négociant avec Kim Jong-un, fustigeant les avantages commerciaux chinois et européens. Il est intervenu militairement à deux reprises en Syrie en bombardant des positions de l’armée de Damas. Isolationniste ou interventionniste? Comment pourrait-on qualifier ces deux années de mandat sur le plan international? Gérald Olivier l’explique simplement: il s’agit pour lui d’une rupture affichée avec ses prédécesseurs de vouloir assumer le statut de première puissance au monde, quitte à se montrer brutal:
«La politique internationale de Donald Trump tient en quatre mots, “Make America great again” et que l’on peut signifier aussi par “America first”. Il a une politique internationale destinée à bénéficier aux États-Unis, pays dont il est le Président, et refléter la réalité de la puissance américaine. L’un des grands reproches à ses prédécesseurs –pas seulement démocrates et Obama, mais également, Bush– c’est d’avoir considéré que les États-Unis pouvaient être la première puissance économique au monde, la première puissance technologique au monde, la première puissance militaire au monde, mais se comporter sur le plan diplomatique et international comme n’importe quel autre pays. Donald Trump ne voit pas du tout les choses comme ça.»
«Vis-à-vis de l’Iran, Trump a totalement épousé l’approche israélienne, il partage la vision de M. Netanyahu et d’un certain nombre de conservateurs en Israël. Les néoconservateurs américains sont beaucoup plus interventionnistes que lui. Il estime que vis-à-vis des pays du Proche et Moyen-Orient, notamment des pays islamiques, la seule chose qui fonctionne, c’est la force. La dernière chose à faire vis-à-vis de pays comme l’Iran c’est de se montrer faible […] La dernière chose qu’il veut, c’est une guerre.»
Y a-t-il du suspense pour les élections en 2020?
Le Président en campagne pour sa réélection depuis le premier jour de sa mandature, fait figure de favori. Pour Gérald Olivier, cela ne fait pas de doute, Trump sera réélu, à condition qu’une chute drastique de la croissance et du chômage ne survienne pas.
«Il a été en campagne depuis le 21 janvier 2017. Tant que l’économie américaine se porte bien, tant que les marchés se portent bien, tant que le chômage reste au niveau où il est, je ne vois pas Donald Trump ne pas être réélu. Maintenant, si les choses changent, si on a un krach boursier demain, une récession profonde demain…
[…] Donald Trump est devenu Président pour favoriser la croissance, pour favoriser l’emploi, pour redynamiser le secteur manufacturier industriel aux États-Unis. Sur ces trois points, il a parfaitement réussi. Il n’a pas encore réussi sur les échanges commerciaux […] Sur l’économie, il a pour l’instant parfaitement réussi. Les Américains votent avec leur portefeuille.»