Un missile Tomahawk sol-sol
Le test a eu lieu le 18 août 2019 sur l’île Saint-Nicolas, dans l’État de Californie. Un missile BGM-109 Tomahawk (modification Block IV Tactical Tomahawk) a été tiré depuis le système de lancement vertical Mk-41, déployé sur une semi-remorque automobile au lieu d’un navire. Selon les représentants du Pentagone, le missile a détruit sa cible à une distance de plus de 500 km.
Cela annule les contradictions apparentes qui pourraient laisser penser que les Américains auraient conçu ce missile de croisière en secret pendant plusieurs années en violation du traité. En réalité, personne ne le cachait: le financement de la conception de ce missile était ouvertement inscrit dans les budgets militaires des États-Unis depuis quelques années car ce travail correspondait à la lettre du régime de contrôle, mais torpillaient évidemment son esprit», explique Konstantin Bogdanov, chercheur au Centre de la sécurité internationale auprès de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales.
Le lancement été effectué par une unité de la Marine, ce qui est naturel compte tenu du fait que les forces navales sont actuellement la seule armée américaine disposant des Tomahawks. L’essai a également impliqué les experts de la direction des capacités stratégiques du Pentagone, qui gère la conception de nouvelles armes.
L’esprit et la lettre
Le test du missile, organisé seulement 16 jours après le retrait du traité, pourrait indiquer que les préparatifs avaient débuté d’avance, mais la particularité de ce tir concrète réside dans le fait qu’il n’exige aucun travail de recherche et développement supplémentaire, alors que le traité n’a jamais interdit l’élaboration de projets.
«Il est actuellement difficile de trouver un scénario militaire et politique raisonnable qui exigerait ce déploiement et qu’il serait difficile de réaliser en se basant sur les forces de combat existants et non limitées par le Traité FNI, c'est-à-dire les Tomahawks navals et les missiles de croisière aériens à longue portée. D’un autre côté, ce déploiement pourrait avoir un sens en tant que mesure de pression psychologique sur la Russie et un pas vers le renforcement des liens entre les États-Unis et leurs alliés, notamment en Europe de l’Est.
Cela se solderait pourtant par une aggravation de la situation militaire et politique en Europe. Tout dépendra de l’aventurisme de l’administration américaine», estime Konstantin Bogdanov.
Et après?
La conception d’un système de missiles terrestre devrait dans tous les cas se poursuivre: à vrai dire, les États-Unis n'ont qu'à répéter le développement du système de tir créé par le passé pour la version terrestre du Tomahawk, le BGM-109G Gryphon (détruit à l’époque dans le cadre du Traité FNI). La menace principale proviendra néanmoins d’autres systèmes.
«La conception du système de lancement terrestre des missiles de croisière, que nous constatons actuellement, constitue la solution la plus simple et la plus rapide: le missile est déjà prêt, et le système de tir ne comprend aucune nouveauté de principe susceptible de retarder le projet ou de le rendre plus coûteux. Il ne s’agit pourtant pas de l’option optimale du point de vue du potentiel de combat. Les projets les plus prometteurs concernent les systèmes de missiles terrestres à portée intermédiaire munis de blocs hypersoniques planants. En même temps, ces technologies n'en sont qu'au début de leur parcours, alors que le déploiement des armes de ce type à proximité des frontières d'un rival pourrait être encore plus déstabilisant que le stationnement des missiles balistiques ordinaires de type Pershing 2», fait remarquer Konstantin Bogdanov.
Dans ce contexte, le test pourrait être interprété plutôt comme le respect formel des exigences de la loi sur la protection du traité FNI adoptée par le Congrès en 2017. Elle prévoyait notamment la conception d’un système de lancement mobile terrestre portant des missiles de croisière. Compte tenu des particularités de la plateforme de tir, l’équipement testé ne peut être considéré comme un système de lancement mobile terrestre que de manière très approximative.
«La conception s’est probablement heurtée à des difficultés, par exemple à cause du manque de financement. L’équipement présenté exige en effet deux semaines et pas six mois de travail. On n’exclut pas qu’il puisse s'agir de la production d’un lot de Tomahawks uniquement à ces fins, et que ce cycle de production pourrait en effet prendre plusieurs mois», indique Alexandre Ermakov, expert du Conseil russe pour les affaires internationales.
Dans tous les cas, le lancement du 18 août n’est que le premier pas vers la reprise du développement de missiles terrestres à portée intermédiaire. Leur zone de déploiement la plus probable se trouve en Extrême-Orient, où le potentiel croissant de la Chine pourrait limiter considérablement la marge de manœuvre de l’armée de l’air et de la Marine des États-Unis dans la partie occidentale de l’océan Pacifique à moyen terme. Dans ce contexte, de nouveaux missiles à portée intermédiaire déployés sur bases insulaires pourraient s’avérer utiles dans le bras de fer avec l’arsenal chinois.
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