«C’est de la maltraitance financière!»
Alors qu’il s’exprimait dans les colonnes de Marianne, Serge Maître, porte-parole de l’Association française des usagers des banques (Afub), n’a pas mâché ses mots. Il réagissait à la publication d’une étude du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) que nos confrères du Parisien ont pu consulter. Et les conclusions du document sont sans appel: les banques françaises font payer (très cher) les frais pour rejet de prélèvement. 18 euros en moyenne pour être précis. Le chiffre est encore plus frappant quand l’on compare aux tarifs pratiqués par les banques des pays voisins de la France. Trois euros en Allemagne, 7,50 euros en Belgique et de l’autre côté des Pyrénées, les banques espagnoles facturent de 1,80 euro à 39 euros maximum par mois.
Comment justifier un tel écart?
«Ça s’explique par une approche historique. Les banques ont découvert en 1981 à la suite de la loi bancaire Beregovoy, les bienfaits de l’économie libérale. Elles ont découvert la possibilité de commercialiser plusieurs types de service et de taxer certains clients en toute liberté, en particulier ceux qu’on appelle les “déviants”. Notre problème, c’est que, chez les banquiers français, il n’y a pas d’autorégulation. Et toutes les politiques qui ont tenté de réguler le marché se sont soldées par des échecs», explique Serge Maître à Marianne.
Ce dernier rappelle que la dernière tentative de régulation date de 2007 quand un plafonnement des frais de rejets de prélèvement a été instauré: 20 euros. Bien plus que les «10 à 20 centimes d’euros» que cela coûte à la banque selon Serge Maître. Et selon lui, les frais pour rejets de prélèvement constituent un véritable filon d’or pour les banques de l’Hexagone comme il l’a expliqué à Marianne:
«En sachant qu’il y a près de 4 milliards de prélèvements par an et que près de 2 % de ces prélèvements sont refusés, soit près de 80 millions, cela représente, selon nos estimations, près de 1,2 milliard d’euros de rentrée d’argent pour les banques.»
Un montant que la Fédération bancaire française (FBF), contactée par Le Parisien, refuse de confirmer par manque de données.
Les rejets de prélèvement peuvent représenter un véritable problème financier pour les personnes les plus vulnérables, d’autant plus qu’un refus est souvent suivi d’un autre comme l’a raconté à nos confrères du Parisien «un très bon connaisseur des banques françaises»:
«Car, après un premier refus de prélèvement automatique, l’entreprise à qui vous devez de l’argent vous renvoie, cinq jours plus tard environ, une nouvelle demande de règlement. Et, si vous n’avez toujours pas d’argent sur votre compte: boom, on vous réclame de nouveau 20 euros de frais bancaires».
Selon Serge Laître, «50 % des prélèvements rejetés le sont deux fois». Pourtant, en théorie, les banques ne sont pas en droit de demander des frais à plusieurs reprises pour un même prélèvement rejeté. Le «bon connaisseur des banques» contacté par Le Parisien explique cependant que les établissements bancaires ne respectent pas la loi, car «leur système informatique ne leur permet pas de faire autrement». Et selon Serge Maître, obtenir un remboursement relève d’un véritable parcours du combattant comme il l’a expliqué à nos confrères de Marianne:
«Il faut envoyer une lettre recommandée à sa banque en contestant des frais précis, se faire entendre par son banquier, contacter le conciliateur de justice… D’abord ça suppose que les usagers connaissent leurs droits. Sauf que ces rejets touchent bien souvent des foyers fragiles qui n’ont pas forcément de culture juridique. On est déjà fragile, mais, dans ce cas-là, on devient totalement vulnérable. Il faut cependant savoir que 75 % des recours se concluent par un remboursement».
Le porte-parole de l’Afub assure que la directive européenne sur les services des paiements ou DSP2 est censée assurer que les banques doivent proposer des tarifications «raisonnables et en relation avec le coût de la prestation».
«Nous appelons évidemment les usagers à faire référence à cette directive dans leurs démarches. Mais surtout, nous les invitons à se rapprocher de nos services pour envisager une action groupée. Malheureusement, les personnes qui bataillent pour boucler les fins de mois sont préoccupées par bien d’autres choses. Alors, la réponse doit venir des pouvoirs publics. Si les banques ne sont pas capables de se modérer dans leurs appétits tarifaires, le gouvernement doit agir, par exemple en instaurant une tarification d’autorité fixe», explique-t-il à Marianne.
Les banques françaises ont fait un effort et depuis le début de l’année, elles se sont engagées à ne pas facturer plus de 25 euros par mois au total concernant les frais d’incident de paiement aux clients «fragiles financièrement». Ils sont au nombre de trois millions selon Le Parisien. Pas de quoi convaincre Serge Maître qui assure à Marianne que «les banques ont toute latitude pour définir ce qu’est un public “fragile”»: «Vous pouvez ne gagner que très peu d’argent et, selon votre banque, ne pas être placé dans cette catégorie.»
Comme le relèvent nos confrères du Parisien, du côté de la majorité, le député La République en Marche (LREM) Philippe Chassaing a récemment rédigé un rapport qui demande “une évaluation précise du phénomène des frais d’incidents bancaires” afin de “comprendre leur niveau, particulièrement élevé en comparaison de certains de nos voisins européens”. Serge Maître a quant à lui confié à Marianne qu’il prévoyait d’adresser “une lettre ouverte” à Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie. Le but? Qu’un texte de loi oblige les banques à plafonner les frais pour rejets de prélèvement à «3, 4 ou 5 euros».