La conquête de l’Algérie a été «meurtrière» et donc «taboue», selon un historien

La conquête de l’Algérie (1832-1902) a été «terrifiante, meurtrière», affirme l’historien Benjamin Stora, précisant que «c’est aussi pour cela qu’elle est tue». Il a précisé qu’entre 1856 et 1872, la population algérienne est passée de 2,3 millions de personnes à 2,1 millions.
Sputnik

Dans un entretien accordé à L’OBS, l’historien Benjamin Stora, spécialiste du Maghreb contemporain et président du Musée de l’histoire de l’immigration, est revenu sur la conquête de l’Algérie, méconnue du grand public.

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«L’Algérie française est longtemps restée taboue», affirme le spécialiste, qui a écrit, coécrit et dirigé une cinquantaine d’ouvrages, dont «la Guerre d’Algérie vue par les Algériens».

«Le silence sur la guerre a été levé, tardivement, il y a une quinzaine d’années. Mais c’est comme si la production sur le conflit, devenue abondante, avait fait écran, comme si elle nous avait empêchés d’aller plus en amont [de 1832 jusqu’à 1954, ndlr], comme si l’histoire de l’Algérie française se limitait à celle de la guerre [1954-1962, ndlr]», a-t-il ajouté, précisant qu’«on ne peut pas raconter l’histoire par la fin».

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Concernant l’impact de la période de la conquête coloniale de ce pays d’Afrique du Nord sur l’imaginaire de ses habitants, et son influence sur la création du mouvement national ayant pesé sur le déclenchement de la Guerre d’Algérie, M.Stora souligné qu’«on ne comprend rien à ce conflit de huit années si on ne se penche pas sur le XIXe siècle». «L’insurrection de la «Toussaint rouge» de novembre 1954 [le début de la Guerre d’Algérie (1954-1962), ndlr] n’a pas éclaté mystérieusement après des décennies de convivialité, comme veulent le croire une partie des pieds noirs [les colons européens installés en Algérie, ndlr] et certains politiques français», a-t-il expliqué.

La conquête «a été terrifiante, meurtrière», estime l’historien. «Démarrée avec la prise de la régence d’Alger en juillet 1830, elle a duré jusqu’en 1871, avec la répression de la révolte des Mokrani, en Grande Kabylie, et même jusqu’en 1902, dans ses frontières, avec la création des Territoires du Sud. Plus d’un demi-siècle, trois générations», a-t-il poursuivi, relevant que «la conquête détruit l’image d’une installation acceptée, d’une cohabitation "pacifique"», et «c’est aussi pour cela qu’elle est tue».

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Pour se faire une idée de la façon avec laquelle les combats se déroulaient, Benjamin Stora a indiqué qu’«il faut lire l’ouvrage de François Maspero, "l’Honneur de Saint-Arnaud" [Plon, 1993, ndlr], la biographie de cet officier qui écrivait des lettres hallucinantes à sa fiancée. "J’ai mal au bras tellement j’ai tué de gens"; "Je suis entré dans une rue, j’avais du sang jusqu’à la ceinture"».

Les historiens considèrent, selon Stora, qu’entre les combats, les famines et les épidémies, «plusieurs centaines de milliers d’Algériens sont morts». «La population musulmane, estimée à 2,3 millions en 1856, est tombée à 2,1 millions en 1872», a-t-il conclu.

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