Dans un entretien accordé à L’OBS, l’historien Benjamin Stora, spécialiste du Maghreb contemporain et président du Musée de l’histoire de l’immigration, est revenu sur la conquête de l’Algérie, méconnue du grand public.
«Le silence sur la guerre a été levé, tardivement, il y a une quinzaine d’années. Mais c’est comme si la production sur le conflit, devenue abondante, avait fait écran, comme si elle nous avait empêchés d’aller plus en amont [de 1832 jusqu’à 1954, ndlr], comme si l’histoire de l’Algérie française se limitait à celle de la guerre [1954-1962, ndlr]», a-t-il ajouté, précisant qu’«on ne peut pas raconter l’histoire par la fin».
La conquête «a été terrifiante, meurtrière», estime l’historien. «Démarrée avec la prise de la régence d’Alger en juillet 1830, elle a duré jusqu’en 1871, avec la répression de la révolte des Mokrani, en Grande Kabylie, et même jusqu’en 1902, dans ses frontières, avec la création des Territoires du Sud. Plus d’un demi-siècle, trois générations», a-t-il poursuivi, relevant que «la conquête détruit l’image d’une installation acceptée, d’une cohabitation "pacifique"», et «c’est aussi pour cela qu’elle est tue».
Les historiens considèrent, selon Stora, qu’entre les combats, les famines et les épidémies, «plusieurs centaines de milliers d’Algériens sont morts». «La population musulmane, estimée à 2,3 millions en 1856, est tombée à 2,1 millions en 1872», a-t-il conclu.