«L'institution prévoit que les paiements en billets pourraient reculer, en valeur, de plus de 20% d'ici à 2025. Ils passeraient de 153 à 122 milliards d'euros entre 2018 et 2025. En volume, le nombre de billets remontant du public vers les professionnels de la filière fiduciaire pourrait baisser de plus d'un quart sur la même période.»
Le Monderévélait en mars dernier un document interne de la Banque de France qui dessinait un avenir économique où le cash aura de moins en moins de place. Le développement des moyens de paiement électroniques ne connaît pas d’arrêt dans les pays riches. Selon la Banque de France, les paiements par carte bancaire représentaient 53% des transactions en 2018 dans l’Hexagone. Les paiements sans contact ont, quant à eux, connu une forte progression de 82% en volume et 89% en valeur. Si les téléphones mobiles restent peu utilisés, le nombre de transactions effectuées par ce moyen a plus que doublé entre 2017 et 2018.
Et la tendance se vérifie dans de nombreux pays. Aux États-Unis, moins d’un tiers des paiements se font encore en liquide. En Suède, les paiements en cash ont reculé de 80% en dix ans. En Chine, les transactions numériques ont connu une augmentation de 34% en 2017. Un tableau qui a poussé le célèbre The Economist a publié un appel à ce que les pays riches se préparent à «un futur sans cash».
«Pour le magazine de référence sur l'économie, l'essoufflement de l'argent liquide s'explique par deux facteurs. D'une part, la demande. Les jeunes consommateurs veulent des systèmes de paiement rapide et qui s'intègrent dans leur quotidien digitalisé. D'autre part, la monnaie physique représente un coût trop élevé (distributeurs de billets, camion de transport sécurisés…) pour les compagnies financières», expliquent nos confrères des Echos.
En 2016 lors du Forum mondial de Davos, John Cryan, qui officiait à la tête de la Deutsche Bank lançait: «Le cash, je pense, n'existera probablement plus dans 10 ans. Ce n'est pas quelque chose qui est nécessaire, c'est terriblement inefficace et cher.»
Reste que la disparition totale du cash poserait des problèmes. Notamment de sécurité. Les fraudes à la carte bancaire ne sont pas rares, tout comme les vols de données. Récemment, la banque américaine Capital One a été victime d’un piratage qui a vu les données personnelles de 106 millions de ses clients lui échapper.
«On est un peu pris de court par la modernisation des moyens de paiement, mais on n’arrêtera pas le mouvement. L’argent liquide a toujours son importance dans les achats quotidiens. Le plus important, c’est la protection des données qui est absolument essentielle et beaucoup moins évidente sur les nouveaux moyens de paiement. On fait beaucoup de prévention auprès des consommateurs», expliquait récemment à Corse-Matin Odile Leturcq, présidente de la branche marseillaise de l’UFC-Que choisir.
L’économiste Philippe Herlin verrait dans la disparition totale du cash «une atteinte à la liberté et à la vie privée».
«Si le cash disparaît, la banque, l'État et le fisc peuvent retracer la totalité de vos ressources. Ensuite, je pense que si l'État supprimait le cash, les gens basculeraient sur les cryptomonnaies. Or, quand on fait un paiement en bitcoins par exemple, ça va directement du portefeuille bitcoin à l'autre, sans passer par la banque donc sans contrôle. C'est anonyme et gratuit, décentralisé car il n'existe pas de banque centrale dédiée. C'est comme du cash sur Internet», expliquait-il à nos confrères de Corse-Matin.
En Suisse, pays très attaché au cash, l’idée de renoncer aux billets et pièces a aussi des détracteurs. «L'intérêt du cash, c'est que vous pouvez être anonymes. On ne peut pas tracer vos transactions, ce qui est très important pour la sphère privée», analysait récemment pour RTS Sophie Michaud Gigon, secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC). Elle voit un intérêt pour les banques à la disparition de l’argent liquide:
«Diminuer l'accès au cash permet d'augmenter toutes les transactions qu'on fait via les cartes de crédit ou de débit. Or, elles sont accompagnées de commissions qui rapportent de l'argent aux banques.»
Ce sont justement ces frais qui freinent plusieurs commerçants dans leur chemin vers le tout électronique. Nombre d’entre eux n’acceptent pas les paiements en carte bancaire en dessous d’un certain montant par exemple. «Sur CB, c'est variable, mais à l'heure actuelle, ils varient de 0,30 à +1%», lançait récemment à Corse-Matin Frédéric Jeanjean, secrétaire général de l'Umih 13, un syndicat présent dans le secteur de l'hôtellerie-restauration.
L’arrivée des GAFA et leurs services comme Apple pay ou Google pay pourrait bousculer la donne selon Philippe Herlin qui s’exprimait sur le sujet, toujours chez Corse-Matin:
«Il y a pas mal de fraudes sur les cartes bancaires, le fait de passer par smartphone permet de mieux sécuriser. Si ça m'inquiète? Non, je suis plutôt favorable, ça introduit de la concurrence. Les commerçants trouvent que les frais sont trop élevés.»