PharmaMar, un laboratoire espagnol spécialisé dans l’oncologie, a annoncé le 29 juillet une perte record de 21 millions d’euros sur les six premiers mois de l’année. Avec son chiffre d’affaires de 41,4 millions d’euros (en baisse par rapport aux 66,4 millions d’euros réalisés sur la même période en 2018) et ses 600 employés, l’entreprise galicienne fait figure de poids plume sur un marché international, où l’on est plus habitué à côtoyer des mastodontes tels que les américains Johnson & Johnson et Pfizer, les Suisses Roche et Novartis, le Français Sanofi, pour ne piocher que parmi les plus gros. Sur les places financières, chacun d’entre eux pèse des centaines de milliards de dollars et compte des effectifs moyens d’une centaine de milliers de personnes aux quatre coins du globe.
Une décision confirmée en mars 2018. Un revers de taille pour le laboratoire madrilène, qui enchaîne alors les déconvenues en bourse, alors même que plusieurs mois après la confirmation de ce refus des autorités européennes, son homologue australienne (la Therapeutic Goods Administration) lui accordait sa confiance.
Dans la foulée, en janvier 2019, PharmaMar celait un partenariat avec le groupe hongkongais Luye Pharma en vue de développer et commercialiser en Chine un traitement (lurbinectedin) contre le cancer du poumon. «L’OMS estime que 800.000 nouveaux cas de cancer du poumon seront diagnostiqués en Chine d’ici 2020 et causant près de 700.000 décès», soulignait alors le laboratoire espagnol, soient «plus qu’aux États-Unis, en Europe et au Japon réunis».
Le développement de traitements innovants: un risque que tous ne peuvent assumer
Déjà à l’été 2009, le Yondelis (Trabectédine), premier antitumoral de PharmaMar, avait été recalé par les autorités américaines (l’U.S. Food and Drug Administration) et ce malgré son alliance avec Johnson & Johnson, via sa filiale Ortho Biotech, qui depuis 2001 aurait pris à sa charge le financement de la recherche pharmaceutique en échange des droits de commercialisation du futur traitement aux États-Unis et dans le reste du monde (à l’exception de l’Europe et du Japon). Un accord auquel aurait été contraint le laboratoire espagnol, en raison de sa modeste taille.
Un mode de fonctionnement qui reflète la dépendance financière des laboratoires de taille modeste envers les géants du secteur. Paradoxalement, ces laboratoires ont été poussés à l’innovation afin de survivre dans un secteur de moins en moins régulé, alors que le coût du développement de nouveaux traitements ne cesse d’augmenter. Exemple de cette mutation du secteur pharmaceutique qui atteint la France à la fin des années 90 avec le déremboursement des «vieux» médicaments au nom de la réduction des dépenses de santé, non sans conséquences pour pas moins de 200 fabricants.
Le choix qui s’offre alors aux petits laboratoires est d’«innover ou disparaître», comme le résumera plus tard Les Échos, revenant sur le cas de laboratoires français mis à mal par la fonte de leur chiffre d’affaires sur des produits anciens. Pour ces petits labos, à moins de se positionner sur des domaines thérapeutiques de «niches», tel que la cancérologie, ou de prendre des risques, il reste quasi impossible de faire face à la concurrence des géants du secteur, développe notre confrère du quotidien économique.
Quand traitement médical rime avec machine à cash
Les mutations du marché parapharmaceutique ces dernières décennies n’ont pas eu que du bon pour les patients ou les États qui s’engagent à couvrir leurs frais de santé. En témoigne le rachat par Gilead Sciences de Pharmasset, laboratoire spécialisé dans le traitement de l’hépatite C (Sofosbuvir). Une fois le brevet de cette molécule miracle tombé dans son escarcelle, Gilead a alors commercialisé le traitement (sous la marque Sovaldi) à un prix… astronomique: 84.000 dollars par patient aux États-Unis, 41.650 euros à son lancement en France en 2014, contre 705 euros en Inde.
Sur le plateau de France 24, au printemps 2016, elle fustigeait la «dématérialisation» de la fixation des prix des médicaments «n’ayant aucun rapport avec le coût de fabrication», répondant en réalité à la «capacité que le marché est prêt à payer» pour se les offrir.
En somme, une application pure de la loi de l’offre et de la demande. Il faudra ainsi attendre l’arrivée sur le marché des traitements de l’hépatite C de concurrents pour que le laboratoire américain se résigne à baisser ses tarifs et à diminuer d’autant les importants dividendes reversés.