Salon de l’agroalimentaire de Yaoundé: le made in Cameroon dans tous ses états

Pâtes à base de cornille plutôt que de blé, chocolat 100% camerounais ou café de production locale, toutes ces nouveautés made in Cameroon sont à déguster au salon de l’agroalimentaire de Yaoundé . Reportage.
Sputnik

Sur le vaste site du musée national de la capitale camerounaise, des centaines de stands d’expositions meublent le décor. Des artisans, mais aussi et surtout des entreprises du secteur agroindustriel offrent à voir, à toucher et à déguster le fruit de leur savoir-faire, à l’occasion du salon international de l’agroalimentaire de Yaoundé (Sialy). Tout autour des présentoirs achalandés de divers produits issus de l’industrie locale, les visiteurs curieux se laissent aller à la découverte du made in Cameroun et les avis sont mitigés.

Salon de l’agroalimentaire de Yaoundé: le made in Cameroon dans tous ses états

«J’ai aimé ce que j’ai vu et goûté dans les stands de nos artisans et industriels. Mais généralement, nos entrepreneurs pèchent encore au niveau de la distribution. Très souvent, vous avez du mal à retrouver leur produit dans les espaces commerciaux de nos quartiers. Pour moi c’est le principal problème», se désole Renaud Edou, jeune cadre d’administration au micro de Sputnik.

Rencontrée dans les allées du salon, Yolaine, étudiante en marketing slalome de stand en stand à la découverte des produits fabriqués localement. La jeune dame en a profité pour faire des achats à moindre coût.

«Il y a de belles choses issues de nos petites entreprises. J’ai acheté du beurre de karité et des paquets de céréales fabriqués par une jeune structure basée à Douala. Les prix sont très abordables», dit-elle l’air satisfait de ses acquisitions.

À quelques mètres de là, Glim Africa, une entreprise en voie de développement est justement venue tester ses pâtes alimentaires faites à base d’ingrédients locaux auprès des visiteurs du salon. En forme de spirales et aux couleurs inhabituelles, elles attisent l’attention des curieux. Autour des sachets de pâtes, des ustensiles de cuisine et des sauces prêtes à la consommation sont disposés pour des séances de dégustation. Annie Estelle Adiogo, jeune camerounaise chargée de la promotion de cette entreprise venue de Douala, ne se lasse pas de vanter la particularité de ses pâtes alimentaires aux visiteurs.

«C’est une pâte alimentaire faite à base de cornille, un ingrédient très cultivé en Afrique. La production de cette légumineuse est évaluée à plus de 7 millions de tonnes par an en Afrique. Le Cameroun en produit environ 150 000 tonnes», confie-t-elle tout en enthousiaste au micro de Sputnik.

À ce salon, Annie Estelle présente deux variétés en cours d’élaboration: le Spaghetti de cornille au gingembre et le Spaghetti de cornille au curcuma. Des ingrédients 100% camerounais qu’elle utilise comme substituts aux matières premières importées comme le blé.

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«Notre objectif est justement de trouver des substituts au blé, car notre agriculture nous offre plusieurs alternatives encore mal exploitées. Cette pâte alimentaire est obtenue après le moulage de la graine de cornille. La farine qui en ressort est utilisée pour modeler le produit. Personne n’y avait jamais pensé jusqu’ici dans l’environnement camerounais et africain», dit-elle heureuse de son innovation au micro de Sputnik.

Ce salon est l’occasion pour la promotrice qui prépare une thèse sur la valorisation des ingrédients d’Afrique de réaliser des tests auprès des consommateurs. Au bout de la semaine d’exposition, Annie se dit satisfaite de l’accueil réservé jusqu’ici à son produit.

«Les personnes qui ont dégusté ce produit ont été séduites par son originalité et sa texture. Les consommateurs sont davantage intéressés par le côté naturel de cette pâte alimentaire parce qu’ils connaissent bien cette plante locale et peuvent avoir la garantie de consommer un produit dont ils maîtrisent le circuit de fabrication à l’opposé de certains produits importés. Plus que le blé, la cornille est une source de protéine», explique-t-elle au micro de Sputnik.

Plus loin de là, à l’autre bout du site, Sipo fruits et légumes, entreprise basée à Bafoussam dans l’Ouest du pays a installé ses quartiers dans un espace similaire. La structure est spécialisée dans la production de chocolat et expose à l’occasion plusieurs variétés: du chocolat blanc, noir, chocolat au gingembre et du chocolat au lait. Ici le principal argument de vente est encore le caractère naturel des ingrédients utilisés.

«Notre chocolat est fait à base de cacao et de sucre naturel de canne à sucre. Notre particularité c’est que nos produits sont faits à base des ingrédients cultivés sur place. Notre produit a l’avantage d’être 100% naturel», décrit Yomeni responsable de l’entreprise au salon au micro de Sputnik.

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Le responsable régional de cette entreprise regrette cependant le manque d’engouement des Camerounais pour la consommation des produits locaux même s’il reconnaît que des efforts restent à faire pour concurrencer les multinationales.

«Les Camerounais ne s’intéressent pas encore aux produits faits au Cameroun. Ils sont sceptiques. Une de nos faiblesses, c’est la packaging peu attrayant qui rassure moins que ceux des produits commercialisés par de grandes multinationales. Nous comptons nous améliorer au fur et à mesure», dit-il au micro de Sputnik.

Mais pour certains clients le packaging n’est pas la seule cause de l’absence d’intérêt des Camerounais pour la production locale. D’autres critères sont déterminants selon la jeune Yolaine:

«Consommer ce que nous produisons c’est bien, mais je pense que certains doivent encore faire des efforts au niveau de l’emballage et même du goût. Cependant il y a beaucoup d’entreprises camerounaises dans le salon qui n’ont pas grand chose à envier aux multinationales. Elles doivent juste communiquer sur leur produit», suggère l’étudiante.

Au fil des allées et dans les autres stands, le discours est quasiment similaire. L'objectif est de se faire connaître, ou reconnaître, faire la promotion due made in Cameroon.

C’est aussi le cas de la société Socoacam, basée à Nkongsamba, une ville de la région du littoral camerounais, réputée pour la culture du café. Si l’entreprise existe depuis 10 ans, son produit n’est pas très connu des consommateurs camerounais.

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«Je suis un amateur de café et ici je viens de découvrir un autre fabricant local. A priori je suis plutôt satisfait de ce que j’ai consommé et je partirai bien avec quelques sachets», dit-il satisfait au micro de Sputnik.

Cette entreprise agropastorale dispose d’une vaste plantation de café où se fait la récolte avant le décorticage, le tri et la transformation. Au départ exclusivement dédié à l’exportation, le café Gotham ambitionne de trouver une place sur les tables au Cameroun. Un projet en cours d’implémentation comme nous le confie Mme Tanda, agent commercial de l’entreprise.

«Nous avons l’avantage d’avoir un café qui est certifié localement. Nous nous lançons à peine sur le marché camerounais. On évolue graduellement. La qualité du produit est appréciée par bon nombre de consommateurs. Nous comptons envahir les espaces commerciaux au pays», se projette-t-elle.

Une 6e édition du salon qui a accueilli plus de 200 000 visiteurs. Depuis 2010, le Sialy s’est imposé comme un outil majeur au service des industries agroalimentaires, du dialogue entre industriels et fournisseurs et de l’amélioration de la production et la transformation des produits locaux.

 

 

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